Après les regroupements, le grand chambardement…
Par Aurélie Gerlach - Le 01 mars 2012.
Au grand jeu de la collecte, beaucoup d'Opca ont perdu. C'était le but : réduire drastiquement le nombre de collecteurs pour créer des économies d'échelle et augmenter le service rendu aux entreprises, et in fine, aux salariés. Le mouvement de concentration voulu par la réforme a engendré de grandes tractations de 2009 jusqu'à 2011. Au premier janvier 2012, les organismes ont perdu leur agrément. Ceux qui répondaient aux critères de l'administration en ont obtenu de nouveaux.
À présent, les grands Opca doivent revoir toute leur organisation interne. En d'autres termes, mettre en pratique les dévolutions des biens, actifs et passifs, et organiser le transfert des personnels des Opca ou branches absorbées. À la manœuvre, les directeurs d'Opca, les capitaines silencieux des grands paquebots, chargés de mettre en œuvre toute la logistique induite par la réforme et les décisions politiques prises par les partenaires sociaux.
Le point le plus sensible de cette réorganisation est sans conteste le devenir des salariés, avec en filigrane le spectre de licenciements…
Transferts de patrimoine
Dans son guide pratique diffusé aux directeurs d'Opca, la DGEFP prévoit le vote par les CA d'actes de dévolution provisoires avant le 31 décembre 2011. Ceux-ci devant ensuite être confirmés, une fois les comptes des organismes certifiés, à la fin du premier semestre 2012. “Nous sommes dans les temps. FormaHP (hospitalisation privée) arrive à Opca PL (professions libérales) avec un bâtiment valant entre 7 et 8 millions d'euros, et 17 millions d'euros de trésorerie", affirme ainsi Félix Ajenjo (administrateur CFE-CGC de l'Opca PL).
La question se complique en cas de dévolution du patrimoine entre plusieurs Opca. C'est le cas d'Opcassur (ex-Opca de l'assurance) qui fusionne avec l'Opca Banque au sein d'Opcabaia, mais dont l'une des branches, celle des courtiers en assurances, a préféré rejoindre Agefos-PME. Dans un tel cas, le calcul s'est généralement fait à la proportionnelle. C'est ce qu'explique Jean-Marc Dupon, administrateur CFC-CGC d'Opcabaia : “Nous avons dû opérer une dévolution mixte. Opcassur était propriétaire d'un immeuble qui va être mis en vente pour regrouper tous les salariés d'Opcabaia sur un site unique. Une partie de sa valeur doit revenir à Agefos-PME au prorata du poids de la collecte. Les modalités restent encore à définir…"
Par ailleurs, les opérations de dévolution ont parfois eu pour effet un assainissement de la situation financière des Opca. “Opcassur a réussi à purger en 2011 des engagements non payés qu'il avait sur des périodes de professionnalisation et qui le mettaient en dette. A ce jour, ses comptes sont donc très sains", assure ainsi Jean-Marc Dupon.
Les réductions d'effectifs
Mis à part quelques kilos de paperasse, quelques nuits courtes pour les directeurs d'Opca et les administrateurs, les dévolutions de patrimoine posent peu de problèmes. Les choses sont plus compliquées pour la gestion du personnel. Le guide de la DGEFP prévoit la mise en œuvre du “L. 1224-1", article du Code du travail qui dispose que tous les contrats de travail en cours subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. Cependant, l'exemple de l'Opcams a montré qu'il n'était pas toujours possible de l'appliquer. “Dans les situations où un Opca éclate, c'est-à-dire que ses branches adhérentes rejoignent des organismes différents, il est impossible d'identifier les salariés attachés à telle ou telle branche et donc d'organiser leur transfert !", explique Odile Grandjean, présidente de Formation & Développement, syndicat de la CFE-CGC en charge des organisations professionnelles, centres de gestion, activités de foires et salons et formation professionnelle.
Des réductions d'effectifs sont bel et bien à l'ordre du jour dans certains organismes. C'est le cas, par exemple, à Constructys, l'Opca qui a pris le relais du Faf-Sab et du groupe “Opca Bâtiment - Opca Travaux publics - GFC-BTP et Aref-BTP". C'est ce qu'explique Armel Le Compagnon, président (FFB) de l'Opca : “Nous sommes pratiquement sûr aujourd'hui qu'il y aura un PSE (plan de sauvegarde de l'emploi). Nous saurons sous quelles modalités il sera mis en œuvre quand les délégués du personnel seront élus. Mais aujourd'hui, je ne peux pas prévoir son ampleur."
Les PSE pourraient rester marginaux. Pour le moment, la plupart des Opca sont confrontés à des départs volontaires et individuels. “Deux salariés de Médiafor (ex-Opca de la presse), sur une petite vingtaine, n'ont pas voulu travailler à l'Afdas, et ont donc démissionné. Le directeur a également demandé à partir. Le CA a souhaité que ces départs aient lieu dans de bonnes conditions, notamment financières", explique Michel Diard, administrateur SNJ-CGT de Médiafor.
Construire une nouvelle organisation de travail
Pour certains organismes, les plus grosses difficultés ne sont pas liées à la reprise des personnels. “La banque et l'assurance se réunissent à un moment où les effectifs des Opca sont bas. Ce qui sera plus difficile à gérer, c'est la nouvelle organisation de travail, confirme Jean-Marc Dupon. Pour l'instant, les équipes des deux anciens Opca restent dans leurs locaux d'origine et fonctionnent séparément. Notre objectif est de les réunir prochainement. Opcassur et l'Opca Banque avaient des équipes de quatorze à quinze personnes, pas plus, il doit donc être possible de réorganiser le travail, d'autant que les organismes paritaires ont de nouvelles missions", ajoute-t-il.
L'harmonisation des statuts des personnels est également au cœur de l'enjeu du regroupement des Opca, car apparaissent des différences de salaires et de conditions de travail d'un Opca à l'autre. Selon la DGEFP, les organismes ont une quinzaine de mois pour régler la question. Deux options s'offrent à eux : soit créer une convergence entre les statuts − c'est le projet d'Opcalia − soit aligner celui des nouveaux arrivants sur l'Opca d'accueil. C'est cette solution qui a été retenue pour les salariés de Médiafor. “En partant à l'Afdas, ils perdent des vacances et des primes...", regrette Michel Diard. Au sein de Défi (industries chimiques, pétrolières, pharmaceutiques et de la plasturgie), le statut des personnels de Plastifaf (plasturgie) va être aligné sur celui de C2P (chimie, pétrole, pharmacie). Mais “ce n'est pas une mauvaise chose, car c'est le plus avantageux des deux", déclare Daniel Morel, administrateur CFDT de Défi, prouvant ainsi que l'opération peut aussi s'avérer gagnante.