Questions à Jean-Paul Denanot, président du Conseil régional du Limousin et vice-président de l'ARF en charge de la formation professionnelle

“Nous avons essayé de continuer à subventionner..."

Par - Le 16 avril 2012.

La formation professionnelle n'étant pas reconnue SSIG, comment votre Région applique-t-elle le Code des marchés publics ?

Nous avons essayé de continuer à subventionner les organismes formant les demandeurs d'emploi. Saisi par la Fédération de la formation professionnelle (FFP), le Tribunal administratif de Limoges puis la Cour d'appel de Bordeaux nous ont donné tort, nous obligeant à passer par le Code des marchés publics. Pour ma part, c'est un regret. Nous savions pertinemment où nous allions, mais nous l'avons fait exprès pour faire comprendre qu'il fallait faire quelque chose dans ce domaine. La législation doit évoluer.
Actuellement, en Limousin, nous passons les marchés de façon assez traditionnelle avec tous les organismes, qu'ils soient publics (Afpa, Gréta, etc.) ou privés. C'est la règle du marché qui prévaut. Mais nous nous battons pour que la procédure d'achat de formation change.
Les procédures ne sont pas les mêmes pour la formation destinée à l'insertion professionnelle et sociale et celle qui concerne les personnes déjà en activité.
Il existe effectivement deux procédures distinctes : la procédure d'achats publics de formation pour les demandeurs d'emploi et celle concerne les salariés des entreprises (soit au titre de l'entreprise elle-même, soit au titre de l'organisme collecteur de fonds).
Nous souhaitons que les actions des uns et des autres soient davantage coordonnées, afin qu'il y ait davantage de cohérence dans les achats réalisés sur le territoire. En effet, les Opca, au titre des fonds des entreprises, procèdent à des achats (suivant des procédures qui leur sont propres) indépendamment de ceux réalisés par la Région de son côté. D'où un besoin de coordination des procédures entre la Région, les Opca, Pôle emploi et l'État.
La formation des demandeurs d'emploi ne peut pas être une marchandise. C'est pour cela que nous souhaitons recourir à une procédure d'achat de formation autre que l'appel d'offres. Car la formation des demandeurs d'emploi s'avère plus complexe que l'achat de biens matériels. Il faut donc changer complètement de procédures d'achats de formation, notamment en régions.

Le gouvernement et le Parlement ont refusé de reconnaître cette formation comme service d'intérêt général. Que peut faire l'ARF ?

Le gouvernement français doit prendre en compte la situation particulière de la formation des demandeurs d'emploi et autoriser le recours à une autre procédure d'achat que l'appel d'offres. Cela suppose des négociations avec les organismes de formation, des études de parcours de formation, un accompagnement des demandeurs d'emploi, etc. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui et qui pose un certain nombre de problèmes.
Nous étudions la possibilité de mettre en place en France des dispositifs d'achats dits de commandes publiques. Ainsi, l'autorité publique pourrait passer des commandes en n'ayant pour seul objectif que l'intérêt des demandeurs d'emploi. C'est dans cette optique que j'ai rencontré, au titre de l'ARF, le commissaire européen en charge de la politique de la concurrence, José Joaquin Almunia Amann, le 18 janvier dernier (voir L'Inffo n° 805, p. 7). Nous travaillons ensemble sur cette option. D'ailleurs, le paquet “Almunia" dit clairement que la formation professionnelle peut relever des services sociaux. Nos services travaillent actuellement pour assez rapidement trouver des formules permettant aux Régions françaises de se doter de services régionaux d'intérêt général de la formation. Avec deux formules possibles : ou la Commission européenne considère que les Régions sont en état (par rapport au droit européen) de faire des commandes publiques sur un périmètre donné (formation des demandeurs d'emploi les plus éloignés du marché du travail), ou alors elle demande à l'État français de notifier une aide particulière en direction des SPRFP.
Plusieurs Régions ont mis en place des procédures d'achat dites de “mandatement" avec octroi de droits spéciaux, qui sont proches des appels d'offres. Nous souhaitons la mise en place d'une autre procédure type SSIG qui soit reconnu comme un élément non marchand. Car la question de l'appel d'offres est polluante par rapport aux vrais problèmes que sont la formation et l'accompagnement des demandeurs d'emploi.