Formation des transfrontaliers dans le Nord de la France : quels dispositifs pour quelles perspectives ?
Par Claire Padych - Le 16 juin 2013.
La stratégie de Lisbonne a défi ni, en 2000, un cadre de référence européen, très volontariste sur les plans de la croissance économique et de la cohésion sociale. Échec. La stratégie Europe 2020 a pris le relais autour de trois axes : innovation, accroissement du taux d'emploi et durabilité de la croissance. Ce projet propose un taux d'emploi global de 75 % (5 % de plus que dans la stratégie de Lisbonne), un budget de la recherche équivalent à 3 % du PIB (reprise
de l'objectif précédent), une réduction de la pauvreté de 25 % et une diminution du taux de l'échec scolaire de 15 à 10 %.
Or, les politiques de l'emploi et de la formation relèvent de la responsabilité des États, même si l'Europe est très impliquée dans la volonté d'accompagner les travailleurs en recherche d'emploi et de formation. Les régions frontalières sont donc exposées aux décisions issues de leur pouvoir politique national mais celles-ci doivent, par ailleurs, respecter le principe communautaire de la libre circulation des travailleurs. La question classique de l'adéquation entre le volume des offres d'emploi et celui de la demande, et de la formation par la qualification des postes disponibles, est rendue plus complexe encore en raison des spécificités nationales : c'est le cas, ainsi, des dispositifs
d'aide à la formation ou à l'emploi qui ne sont pas forcément transférables d'un pays à l'autre.
Côté belge par exemple, la prime d'insertion dans la région de Bruxelles-Capitale, destinée à favoriser l'intégration professionnelle des personnes handicapées, n'est pas accessible aux entreprises qui embauchent des travailleurs frontaliers. Pourtant, des expérimentations sont conduites de part et d'autre de la frontière franco-belge, avec pour objectif de favoriser le plein emploi dans ces bassins qui se jouxtent, et où la mobilité des travailleurs est loin des migrations d'antan, liées à des besoins massifs de maind'œuvre
dans certaines zones industrielles ou agricoles. Par exemple, l'Offi ce national de l'emploi belge (Onem) verse un complément de revenu mensuel aux demandeurs d'emploi de plus de 50 ans qui reprennent un travail ; cette aide suit le demandeur d'emploi inscrit à l'Onem, y compris lorsqu'il retrouve un emploi dans le pays voisin
L'Eurométropole : aplanir les distorsions entre dispositifs nationaux
Le groupement européen de coopération territoriale (GECT) Eurométropole Lille-Kortrijk- Tournai a été créé en 2008. Il regroupe 147 communes françaises et belges, 5 collectivités intercommunales, 3 départements ou provinces, la Wallonie, la Flandre et le Nord-Pas de-Calais. Et concerne deux États. “Notre objectif est d'aider à surmonter les obstacles transfrontaliers", indique Stef Vande Meulebroucke, directeur de l'Eurométropole. “La formation joue un rôle majeur, mais il est nécessaire d'en avoir une approche transversale. Il faut aussi travailler sur les marchés de l'emploi, sans oublier les transports, les problèmes de logement..."
Plusieurs initiatives ont été menées pour favoriser cette transversalité, notamment par la création d'un forum de l'emploi annuel, coorganisé avec les trois services de l'emploi des trois versants de l'Eurométropole (Pôle emploi, le Forem wallon, le VDAB flamand et Unizo, organisation patronale fl amande). Créé via le projet Interreg IV, le “Forum de l'emploi - Jobbeurs Eurométropo(o)le Lille-Kortrijk- Tournai" rassemblait, en 2012, 119 entreprises et proposait 18 000 postes aux candidats de part et d'autre de la frontière.
Autre initiative en faveur de la formation : celle reposant sur la
qualité des Universités belges et sur la création d'un E-Campus. Ainsi,
de nombreux étudiants français viennent se former aux métiers sanitaires et médicaux en Belgique.
Lors d'une conférence interuniversitaire et des hautes écoles dans
l'Eurométropole qui s'est tenue le 12 mars 2012, l'objectif affiché
a été de promouvoir la mobilité des étudiants et de permettre leur
co ou bi-“diplomation". Et en septembre 2011, l'E-Campus à Tournai a vu le jour. Dédié aux métiers de l'internet, il rassemble environ 150 étudiants en moyenne par session. Cengiz Bigol, son directeur adjoint,
insiste sur “la volonté de développer la Wallonie Picarde à ces techniques" de e-business, de e-commerce ou de e-marketing qui sont nécessaires aux entreprises du secteur. Rudy Demotte, le président du gouvernement wallon et de la communauté de Wallonie-Bruxelles, a joué un rôle déterminant dans ce projet qui propose des formations initiales (bachelor en e-business et master en arts numériques et continues (notamment en “e-entrepreneurship") ou spécifiques pour les personnes en recherche d'emploi : c'est le cas, par exemple, de la formation qualifi ante de communicant web qui se déroulera sur le site du 24 juin au 4 novembre 2013 pour les personnes intéressées des trois régions. “Ces formations sont évidemment ouvertes aux Français !", indique Cengiz Bigol, qui souligne que si l'E-Campus est encore récent, l'équipe de direction est à l'affût des nouveaux services technologiques, pour proposer des formations en adéquation avec les métiers de demain et d'après demain.
L'un des 15 groupements européens de coopération territoriale
Ces “GECT" visent à faciliter et à promouvoir la coopération transfrontalière, transnationale, transrégionale et interrégionale. Ils ont été institués en 2006 par le parlement européen et le Conseil de l'Europe. Ce sont des groupements coopératifs dotés de la personnalité juridique, missionnés par leurs membres (états, collectivités régionales et locales et organismes de droit public) sur des tâches définies. Avec pour chacun six instances : présidence, assemblée, bureau, agence transfrontalière, groupes de travail thématiques et conférence des maires et bourgmestres.
L'éducation et la formation tout au long de la vie à l'échelle européenne : Europass
Différents dispositifs existent pour accompagner le citoyen européen dans ses parcours de formation. Ils visent à favoriser les équivalences entre les certifications des différents états membres mais également à valoriser les initiatives d'“interculturalité" et de mobilité européenne, notamment via le système des Europass. Ces derniers attestent officiellement d'un ou plusieurs parcours de formation s'inscrivant dans un cadre qualitatif commun : un partenariat effectif, sous forme de convention, entre l'organisme de formation d'envoi et la structure d'accueil ; objectifs de formation clairs, précis et contractualisés ; suivi attentif du parcours dans le pays d'accueil par un tuteur désigné.