Pierre Caspar : intelligent, chaleureux, créatif
Par Alain Meignant - Le 25 novembre 2020.
Trois qualités me viennent à l'esprit quand je pense à Pierre Caspar. Intelligent, chaleureux, créatif. Je les ai retrouvées à chaque fois que je l'ai rencontré, lu, entendu, depuis que j'ai fait sa connaissance à Nancy, dans les années 60, dans « l'éco-système apprenant » (comme on dirait aujourd'hui) créé par Bertrand Schwartz. Les circonstances ont fait que, proche de lui intellectuellement, j'ai eu peu d'occasions de travail commun, à part un article co-signé en 1988 (déjà !) dans Education Permanente « L'investissement formation : un mythe utile ? ».
Intelligent, il portait sur la formation des adultes, notamment dans ses rapports avec l'entreprise, un regard clairvoyant et prospectif, débarrassé des routines et des préjugés idéologiques. Son premier livre « Formation des adultes ou transformation des structures de l'entreprise », paru bien avant la Loi fondatrice de 1971, posait parfaitement une problématique toujours d'actualité où la formation ne prenait son vrai sens que par ses effets de transformation des pratiques collectives. Marcel Demoncque dans sa préface en témoigne : « Il y a bien longtemps que j'avais fait le rêve un peu fou d'introduire un langage commun dans mon entreprise. Il a fallu cette rencontre pour que ce rêve prenne corps et devienne une réalité vivante ». Cette approche a beaucoup influencé ma propre conception du management de la formation et des méthodes d'intervention dans les organisations. Cette intelligence, toujours en éveil, s'est illustrée pendant un demi-siècle dans ses écrits, son enseignement, ses interventions, et a eu une forte influence sur les acteurs de la formation et au-delà, en France et à l'international.
Chaleureux, il l'était dans ses relations avec les autres, notamment par l'intérêt sincère qu'il leur portait. Je vois encore son regard attentif, où frisait parfois une ironie stimulante, vous encourageant à exprimer vos idées et à affiner leur argumentation. Avec lui, pas de conversation banale.
Créatif, il l'a abondamment montré pendant un demi-siècle, souvent précurseur dans bien des domaines : le rôle des professionnels de la formation, l'ingénierie, les promesses et les risques des technologies digitales dans la pédagogie, et j'en passe. Cette créativité était alimentée par sa capacité à sortir du champ de la formation pour y importer, en les adaptant, les problématiques d'autres disciplines (par exemple l'urbanisme sur l'ingénierie).
Sa voix était écoutée et respectée. Il va nous manquer.