Laurent Durain, directeur de la formation professionnelle et des compétences, groupe Caisse des dépôts, au « Journal de la formation », Université d’hiver de la formation professionnelle, du 25 au 27 janvier 2023.
Le CPF interroge les pratiques de sous-traitance
Depuis le durcissement de la régulation, les conditions d'accès au marché du compte personnel de formation ne cessent d'évoluer. Après la mise en place d'une nouvelle procédure d'enregistrement, le renforcement des contrôles et l'encadrement des actions éligibles de droit, un décret en préparation sur le recours à la sous-traitance suscite l'inquiétude. Décryptage lors de la Master class organisée par Centre Inffo récemment.
Par Catherine Trocquemé - Le 11 avril 2023.
Sous l'effet de mesures de régulation musclées, le paysage du marché du CPF s'est transformé. Si le nombre d'organismes de formation référencés se stabilise autour de 16 000, la plateforme « mon compte formation » a vécu, fin 2021, un petit traumatisme. L'application des nouvelles règles d'enregistrement au renouvellement des certifications professionnelles inscrite au Répertoire spécifique provoque alors un décrochage. « Nous sommes alors passés de 25 000 organismes référencés à 16 000 », confirme Laurent Durain, directeur de la formation professionnelle et des compétences au sein du groupe Caisse des dépôts lors de la Master class organisée par Centre Inffo le 4 avril dernier. Le top 3 de l'offre reste aux mains du permis de conduire, de la création et reprise d'entreprise (Acre) et des cours d'anglais. Mais, là aussi, le régulateur serre la vis. Dans son viseur, les actions éligibles de droit sont surveillées de près par la CDC. Les contrôles sur la viabilité des projets portés dans le cadre de l'Acre se sont intensifiés. La Caisse des dépôts, en lien avec les professionnels, a structuré un cahier des charges sur les bilans de compétences et proposé des webinairs. Sur cette base, une campagne de contrôles sera bientôt lancée. « La sécurisation du CPF est l'affaire de l'Etat, de la CDC et des acteurs », déclare Laurent Durain.
Des règles en constante évolution
La nouvelle procédure de référencement en vigueur depuis octobre 2022 traduit ces nouvelles relations entre les organismes de formations et la CDC. En plusieurs étapes, elle implique l'envoi de documents administratifs mais aussi sur le contenu de la formation et une séquence d'appropriation des conditions générales d'utilisation (CGU) via un webinair. Une phase de pré-contrôle et de professionnalisation aux règles de la plateforme jugé nécessaire au regard des pratiques observées sur le marché. « Il s'agit de faire connaissance avec les organismes de formation. Ce filtre concerne les nouveaux entrants mais s'appliquera également aux acteurs déjà référencés », précise Laurent Durain. L'activité des organismes de formation déjà présents sur la plateforme pourra se poursuivre durant ce process de contrôle mais ils pourraient être déréférencés en cas de manquement à leurs obligations. Le cadre du marché du CPF n'a cessé d'évoluer depuis son lancement en 2019. Pièce maîtresse de la régulation à la main de la CDC, les CGU en sont ainsi à leur 9ème version.
Les nouveaux verrous de la loi du 19 décembre 2022
Face à la vague de fraudes et d'abus dont le CPF a été victime, les députés se sont emparés du sujet. La loi de finances 2023 et la loi interdisant le démarchage intempestif votée en décembre dernier renforcent la régulation d'un outil financé par des fonds publics. Deux dispositions- un reste à charge pour une partie des titulaires d'un compte et l'encadrement du recours à la sous-traitance- ont suscité des débats et nourrissent l'inquiétude des organismes de formation. Signe de la difficulté de leur mise en œuvre, les décrets d'application tardent à sortir. Celui du reste à charge devrait faire partie des concertations avec les partenaires sociaux dans le cadre de la future loi sur le plein emploi. Un agenda incertain dans le contexte créé par la réforme des retraites. Le décret sur la sous-traitance déjà bien avancé, sera, quant à lui, présenté aux acteurs de la formation dans les prochaines semaines.
L'épineux décret sur la sous-traitance
Dans un secteur où le recours à des formateurs extérieurs fait souvent partie de leur modèle économique, le sujet est aussi sensible que complexe. A commencer par la définition même de la sous-traitance. En sont exclus les formateurs en CDD, en CDI intermittent, les formateurs occasionnels salariés ou encore les prestations de service ne menant pas à la réalisation d'actions de formation. Les formateurs indépendants et les organismes de formation seront en revanche concernés. Le cas d'usage des sociétés de portage salarial se discute, selon les juristes. L'enjeu est de taille car les sous-traitants devront notamment respecter les CGU ou encore répondre à certaines exigences de la certification Qualiopi. Tout se jouera donc sur le périmètre défini par le futur décret. Interrogé lors de la Master class, Stéphane Rémy, sous-directeur des politiques de formation et de contrôle à la DGEFP rappelle son esprit. « La loi vise une sous-traitance non régulée et non contrôlée qui a fait naître des pratiques frauduleuses. Il s'agit avant tout d'introduire de la transparence ». Les questions soulevées dans le cadre du décret relancent le sujet de la sous-traitance dans la formation.