Les acteurs de l'apprentissage saluent les mesures pour soutenir le recrutement des jeunes
Le plan de relance de l'apprentissage présenté par la ministre du Travail le 4 juin a été globalement bien accueilli sur le terrain. Cependant, plusieurs acteurs regrettent que tous les apprentis ne soient pas logés à la même enseigne.
Par Estelle Durand - Le 10 juin 2020.
Attendu avec impatience, le plan de relance de l'apprentissage du gouvernement dévoilé le 4 juin a reçu un accueil favorable de la part des nombreux acteurs qui ont multiplié les propositions ces dernières semaines. « Il y avait urgence à intervenir. La rentrée de l'apprentissage s'annonçait fortement impactée », rappelle CCI France. Sans mesure de soutien, certains réseaux comme celui de CCI France craignaient de faire face à une baisse d'au moins 25 % du nombre d'apprentis à la rentrée.
Généraliser l'aide aux employeurs
Pour inciter les entreprises à embaucher des apprentis malgré le contexte économique difficile, le gouvernement a élargi et revalorisé le système d'aide accordé aux employeurs. Une prime de 5 000 euros ou de 8 000 euros sera ainsi versée aux entreprises qui recrutent un apprenti entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021. Un soutien financier qui était « indispensable » selon les acteurs du terrain comme la Fnadir qui réunit les directeurs de CFA. Pour autant, le gouvernement n'est pas allé assez loin selon certains. Pour CMA France, cette prime à l'embauche « ne vient pas renforcer suffisamment les aides existantes dont bénéficient les entreprises artisanales les plus touchées par le risque de faillite ».
De plus, cette aide ne concerne pas les apprentis qui préparent un diplôme supérieur à la licence. Une « rupture d'égalité » déplorée par les acteurs de l'enseignement supérieur, qui craignent « un effet d'éviction des apprentis de niveau master ou diplômes équivalents (ingénieurs…), alors que les effets de la crise économique liée au Covid-19 frapperont tous les jeunes », notent plusieurs organisations [ 1 ]Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs, Conférence des présidents d'université, Conférence des grandes écoles, Association nationale des apprentis de France, Association nationale de l'apprentissage dans l'enseignement supérieur, Syntec Conseil, Syntec Ingénierie et Syntec Numérique., qui réclament dans un communiqué commun, l'extension de l'aide exceptionnelle à tous les apprentis.
Sécuriser tous les parcours
Une position partagée par de nombreux acteurs dont l'Association nationale des apprentis de France (Anaf). Pour éviter les effets d'aubaine, celle-ci aurait aussi souhaité que ce soutien financier soit assorti « d'une justification d'accompagnement réel et qualitatif des apprentis au sein de l'entreprise » tel qu'un engagement à former les maîtres d'apprentissage. « Les apprentis ne doivent pas être considérés comme une main-d'œuvre à bas coût », rappelle l'Anaf. De son côté, la Fédération de la formation professionnelle (FFP) militait pour une extension des aides à tous les contrats en alternance. Une piste qui n'a pas été complètement écartée par le gouvernement. Des mesures pour soutenir les recrutements en contrat de professionnalisation pourraient être envisagées dans le cadre du plan en faveur de l'emploi des jeunes qui sera présenté début juillet, laisse entendre l'entourage de la ministre.
La prolongation à six mois de la période de formation préalable à la signature d'un contrat d'apprentissage répond aussi aux attentes du terrain. Toutefois, CMA France affiche sa vigilance. Le réseau qui compte 112 CFA attend confirmation de la prise en charge de la formation par les opérateurs de compétences « au premier jour de l'entrée en CFA ». Pour l'Anaf, cette mesure ne sera pas suffisante pour sécuriser le parcours des apprentis. « L'échéance de six mois pour décrocher un contrat d'apprentissage ne poussera pas les jeunes à s'engager dans cette voie : ils ne prendront pas le risque de s'investir dans une formation qu'ils pourraient être contraints de quitter en milieu d'année », précise l'association. Selon elle, les risques de décrochage et de réorientation demeurent d'autant qu'aucun accompagnement n'est prévu pour les apprentis ayant vu leur contrat interrompu pendant la crise sanitaire.
Situation financière des CFA
La possibilité de financer l'achat d'ordinateurs dans le cadre de l'aide au premier équipement faisait également partie des propositions émises par de nombreux acteurs tels que la Fnadir ou encore CMA France. La mesure s'avère donc bien accueillie. « Mais cette aide ne doit pas être au détriment d'achat d'équipements nécessaires à la formation des métiers artisanaux », prévient CMA France.
A ce stade, le gouvernement n'a pas prévu de mesures particulières pour soutenir financièrement les prestataires de formation alors que de nombreux acteurs dont la Fnadir avaient fait des propositions en ce sens. Le ministère du Travail estime que son plan de relance suffira à stabiliser les effectifs d'apprentis. Les CFA ne devraient donc pas avoir de problèmes de trésorerie, selon la rue de Grenelle qui n'exclut pas cependant de « prendre des mesures d'adaptation » si l'objectif n'était pas atteint. De quoi rassurer les prestataires de formation. La Fnadir souhaiterait cependant « avoir plus de précisions sur les mesures envisageables ». D'autant qu'il reste une inconnue : l'évolution de l'épidémie. « Si les consignes sanitaires actuelles devaient être maintenues à la rentrée, les modèles économiques des centres de formation pourraient être profondément impactés », indique la FFP. Aujourd'hui, selon la fédération, moins d'un tiers des jeunes peuvent être accueillis sur site du fait de la distanciation sociale.
Notes
1. | ↑ | Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs, Conférence des présidents d'université, Conférence des grandes écoles, Association nationale des apprentis de France, Association nationale de l'apprentissage dans l'enseignement supérieur, Syntec Conseil, Syntec Ingénierie et Syntec Numérique. |