Droit de la formation professionnelle et de l'apprentissage

Organisme de formation : appliquez-vous la bonne convention collective à vos formateurs salariés ?

La réponse à cette question peut être cruciale pour l'organisme de formation puisque la convention collective fixe les conditions d'emploi du formateur salarié. Suite à deux arrêts de juillet 2023, nous vous proposons de faire le point sur cette question.

Par - Le 30 octobre 2023.

Quels enjeux pour l'organisme de formation ?

L'organisme peut-il recourir au CDD d'usage ou au CDII ? Peut-il recruter pour une durée inférieure à 24 h hebdomadaires ? Comment se décompte le temps de travail du formateur ? Quelle est sa rémunération minimum ? … Autant de questions auxquelles la Convention collective répond la plupart du temps, d'où l'importance de déterminer quelle est la « bonne » CCN à appliquer.

Une décision de la Cour d'appel de Toulouse du 13 janvier 2023 apporte une illustration de cet enjeu.

Dans cette affaire, une formatrice demandait des rappels de salaires calculés sur la base des 24 heures hebdomadaires minimales prévues par l'article L 3123-27 du code du travail pour tout contrat conclu à temps partiel. L'organisme de formation faisait valoir, pour sa défense, qu'il était soumis à la CCN de l'enseignement privé indépendant, laquelle prévoyait une durée minimale de 60 heures par an pour les enseignants dont les cours sont planifiés sur une période supérieure au semestre. Les juges devaient donc déterminer si l'organisme de formation relevait bien de cette  CCN pour résoudre le litige (Cour d'appel de Toulouse - 4eme Chambre Section 2 13 janvier 2023, n°21/02072).

Après avoir exposé les règles présidant à l'application de la Convention collective nous rappellerons les risques encourus en cas de défaut d'application de la Convention collective dont relève l'entreprise.

Détermination de la convention collective applicable

Critère de l'activité principale

La convention collective applicable est en principe celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur (article L2261-2 du Code du travail).

Le code APE attribué par l'INSEE à l'entreprise constitue, à ce titre, une présomption simple de rattachement à une convention collective. Seule l'activité réelle de l'entreprise détermine son assujettissement à des textes conventionnels (Cass soc du 18.07.2000, n°98-42.949).

Dans l'affaire jugée par la Cour d'appel de Toulouse, les juges après avoir relevé que le code APE de l'organisme, un établissement privé hors contrat avec l'Etat, entrait dans le champ de la CCN de l'enseignement privé indépendant ont examiné son activité : dispenser des cours en vue de préparer les élèves aux concours d'entrée dans les écoles supérieures d'art. Cet examen est un préalable pour déterminer si cet établissement entre dans la liste des structures visées par les partenaires sociaux de la CCN visée. Cette CCN liste dans son champ d'application 4 catégories d'établissements. Pour la salariée, la CCN ne vise pas expressément les établissements de l'enseignement supérieur soumis à la loi Astier (enseignement technique), de plus, ne sont visés que des établissement proposant des formations préparant à une certification, ce dont il se déduit, compte tenu du caractère limitatif de la liste, que l'organisme de formation dispensant des préparations à des concours d'entrée à des formation dans le supérieur n'entre pas dans le champ de la CCN.

Usant de leur pouvoir d'appréciation, (Cass. Soc. du 14.12.2022, n°21-15.805 - Cass. Soc. du 8.06.2022, n° 20-20.100 -Cass. Soc. Ass Plen du 23.10.2015, n°13-25.279) les juges livrent une autre interprétation. Ils retiennent d'une part, que peu importe « que la première liste soit limitative ou non dans son énumération », dès lors qu'elle « ne vise pas uniquement les établissements d'enseignement du premier ou du second degré », mais également « les établissements d'enseignement supérieur général, professionnel ou scientifique, et les établissements d'enseignement visés par la loi Astier du 25 juillet 1919 (relative à l'enseignement technique, industriel et commercial) ». Il n'est pas exigé que l'établissement délivre un enseignement industriel ou commercial, l'enseignement technique étant visé. De plus, l'enseignement artistique relève de l'enseignement technique. Il n'est pas davantage exigé que les formations dispensées soient diplômantes. Enfin, il n'est pas soutenu par la salariée que l'activité exercée par l'organisme de formation ferait partie des activités qui sont exclues du champ d'application de la CCN.

Le caractère principal de l'activité relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. Deux critères guident les juges :

  • l'activité représentant le plus grand chiffre d'affaires pour une entreprise commerciale. S'agissant d'une association, en cas de pluralité d'activités, c'est à partir de la répartition du temps de travail des salariés qu'il convient de déterminer l'activité principale de l'association (Cass . Soc, du 15.03.2017, n° 15-19.958)
  • l'activité à laquelle le plus grand nombre de salariés est affectée pour un autre type d'entreprise.

Centre d'activité autonome

La convention collective applicable aux salariés d'une entreprise est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur, à l'exception de ceux qui exercent une activité nettement différenciée dans un centre d'activité autonome.

Le centre d'activité autonome suppose non seulement un lieu distinct et distant des autres activités de l'entreprise bénéficiant d'un personnel et de matériel qui lui sont propres mais également un partage du pouvoir de décision entre ledit centre et l'entreprise (Cass sociale du 9.06.2015, n°s 14-12.497 14-12.498 14-12.499 14-12.500 14-12.501 14-12.502 14-12.503 14-12.504 14-12.505 14-12.586).

Portée d'une autre CCN mentionnée au contrat de travail

Attention à la rédaction du contrat de travail du formateur. En effet, si, dans les relations collectives de travail une seule convention collective est applicable, laquelle est déterminée par l'activité principale de l'entreprise, dans les relations individuelles, le salarié, à défaut de se prévaloir de cette convention, peut demander l'application de la convention collective mentionnée dans le contrat de travail.

Le  5 juillet 2023, les juges de la Cour de cassation ont ainsi considéré que lorsque l'employeur s'est contractuellement engagé à appliquer individuellement une autre convention, il doit respecter les termes du contrat de travail. La mention dans le contrat de travail d'une convention collective vaut donc reconnaissance de l'application de cette convention à l'égard du salarié qui en réclame l'application, et ce quand bien même le statut collectif de l'entreprise est régi par une autre CCN (Cass soc du 5.07.2023, n°22-10.424 - dans le même sens Cass Soc du 13.12.2000, n°98-43.542 ).

Cette situation se distingue de l'application volontaire d'une autre CCN que celle dont relève l'entreprise par engagement unilatéral de l'employeur lequel peut toujours être dénoncé (Cass soc 4 mars 2020, 18-11.584 18-11.588 18-11.589 18-11.593 18-11.594 18-11.598 18-11.606).

Quels sont les risques encourus par l'organisme de formation ?

Ne pas appliquer la bonne CCN applicable fait courir un risque de contentieux.

Le formateur salarié peut agir en justice pour obtenir, dans la limite des délais de prescriptions applicables, le bénéfice des dispositions de la CCN dont relève son employeur. Il peut également obtenir, à condition de démontrer un préjudice spécifique, des dommages et intérêts (article L2262-12 Code du travail).

Cette action civile, ne doit pas faire oublier que l'employeur peut également être poursuivi devant les juridictions pénales dans trois situations :

  • Le fait pour l'employeur, lié par une CCN de travail étendue, de payer des salaires inférieurs à ceux fixés dans cette convention (article R 2263-3 du Code du travail) ;
  • Le fait pour l'employeur de méconnaître les stipulations conventionnelles relatives aux accessoires du salaire prévus par une convention ou un accord collectif de travail étendu (article R 2263-4 du code du travail) ;
  • Le fait de méconnaître les dispositions légales relatives aux accessoires du salaire (article R3246-4 du Code du travail).

Ces infractions sont punies de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe, soit 750 euros (article L131-13 code pénal). Rappelons que ces amendes sont prononcées autant de fois qu'il y a de salariés concernés.

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Pour aller plus loin (accès abonné) : Fiche 17-2 : Formateurs salariés de l'organisme de formation : CDI, CDII, occasionnels, CDD, CDD-U