Annulation de la déclaration d'activité d'un organisme de formation : quelles sont les règles applicables ?

Une décision du tribunal administratif de Rennes en date du 3 novembre 2023 nous donne l'occasion de faire le point sur les conditions autorisant l'administration à annuler la déclaration d'activité d'un organisme de formation.

Par - Le 08 janvier 2024.

La décision de l'administration doit être motivée

Les juges du Tribunal administratif de Rennes précisent que trois conditions doivent être réunies pour que l'obligation de motivation de la décision de l'administration soit remplie :

  1. La décision administrative doit contenir « les considérations de droit qui en constituent le fondement » (rappel des textes applicables) ;
  2. les considérations de droit et de fait doivent être suffisamment développées pour permettre à l'organisme de formation contrôlé « de saisir les motifs de la décision attaquée » et au juge « d'exercer son contrôle en toute connaissance de cause » ;
  3. la décision administrative n'a pas à faire état de l'ensemble ni de la structure globale des formations proposées par l'organisme de formation « cette circonstance n'est pas de nature à caractériser une insuffisante motivation ».

Pour rappel, les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :

La motivation exigée par le législateur chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision (article L211-5 du Code des relations entre le public et l'administration).

La procédure doit respecter le principe du contradictoire

Les juges administratifs rappellent les conditions d'articulation entre les règles en matière de respect du contradictoire, entre le Code des relations entre le public et l'administration et les textes mettant en place des procédures contradictoire spécifiques comme c'est le cas du Code du travail en matière de contrôle des prestataires de formation.

Il résulte en effet des dispositions du Code du travail que le législateur a prévu une procédure contradictoire particulière s'agissant de l'annulation de l'enregistrement de la déclaration d'activité des prestataires de formation. Dès lors, précisent les juges, « les décisions prises dans le cadre du contrôle de la formation professionnelle ne sont soumises, en matière de procédure contradictoire, qu'aux seules prescriptions du Code du travail, à l'exclusion de l'application des dispositions (…) du Code des relations entre le public et l'administration qui prévoient l'application des dispositions législatives lorsqu'elles ont instauré une procédure contradictoire particulière. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par l'administration des règles posées par ce code [ 1 ]1 est inopérant.

Les effets du retrait d'une décision créatrice de droit

Eu égard aux droits que l'organisme dispensateur de formation professionnelle tient de l'enregistrement de sa déclaration d'activité, le Conseil d'Etat a rappelé en 2020 que celle-ci ne peut, en l'absence de fraude, être annulée, au-delà d'un délai de quatre mois, que pour l'avenir et uniquement dans l'une des trois situations suivantes :

  1. fraude lors de la demande de déclaration,
  2. motif reposant sur une circonstance postérieure à l'enregistrement,
  3. motif reposant sur une circonstance que l'administration n'était pas en mesure de retenir à la date de l'enregistrement au vu de la déclaration préalable (Conseil d'État, 20/10/2021, n°440377).

En l'espèce, l'enregistrement de la déclaration d'activité a été annulée par l'administration sur la base de deux motifs :

  • certaines prestations effectuées ne correspondaient pas à des actions de formation professionnelle telles qu'elles sont définies par le Code du travail,
  • les dispositions relatives à la réalisation des actions de formation n'étaient pas respectées.

Ces motifs répondent-ils aux conditions rappelées par le Conseil d'État en 2020 ? Permettent-ils à l'administration d'annuler l'enregistrement de la déclaration d'activité de l'organisme de formation ?

Oui, selon les juges du Tribunal administratif.

S'agissant de la connaissance par l'administration des conditions de réalisation des prestations, il s'agit « d'éléments nouveaux résultant des constats effectués lors de l'opération de contrôle, lesquels sont nécessairement postérieurs à l'enregistrement de la déclaration d'activité et qui n'ont pu être appréciés au stade de l'examen de la demande d'enregistrement ».

S'agissant du motif d'annulation de l'enregistrement de la déclaration, tiré de ce que les formations ne relèvent pas du champ légal des actions de formation professionnelle, l'administration a retenu que plusieurs formations n'étaient pas dispensées lors de l'enregistrement de la déclaration d'activité de l'organisme de formation. L'organisme de formation se prévaut de ce qu'elle proposait, moins d'un an après sa déclaration d'activité, des formations portant le même intitulé que celle motivant pour partie la décision d'annulation. Cependant, pour les juges, « cette circonstance ne permet aucunement d'établir que cette formation était déjà dispensée (…), lors de l'enregistrement de sa déclaration d'activité ». L'organisme de formation « se borne à présenter des assertions générales selon lesquelles sont activité est restée la même depuis l'enregistrement de sa déclaration d'activité, et qu'il a toujours proposé les formations dispensées par l'administration, sans produire aucune pièce au soutien de ces allégations ». Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les formations motivant en partie la décision d'annulation de la déclaration existaient lors de l'enregistrement de la déclaration d'activité de l'organisme de formation.

Par suite, l'administration est fondée à soutenir que l'intégralité des motifs de la décision d'annulation constituent en des circonstances postérieures à l'enregistrement de la déclaration d'activité et, partant, que son annulation ne porte pas atteinte aux droits acquis de l'organisme de formation.

Tribunal administratif de Rennes - 1ère Chambre  - 3 novembre 2023 / n° 2201529

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Pour aller plus loin (accès abonné) : Fiche 13-5 : Annulation de la déclaration d'activité

[ 2 ]1 Aux termes des dispositions de l'article L122-1 du Code des relations entre le public et l'administration les décisions mentionnées à l'article L211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (…) ". Alors qu'aux termes de l'article L6351-4 du Code du travail : (…) Avant toute décision d'annulation (de la déclaration d'activité), l'intéressé est invité à faire part de ses observations ". Enfin, aux termes de l'article L121-2 du Code des relations entre le public et l'administration : " Les dispositions de l'article L121-1 ne sont pas applicables : (…) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (…) "

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Notes   [ + ]

1, 2. 1