Attestation de formation : quelle responsabilité de l'employeur ?
Plusieurs décisions de justice récentes rappellent les employeurs à leur responsabilité concernant les attestations de formation : contenu, remise … Les enseignements à retenir.
Par Valérie Michelet - Le 24 août 2022.
Le défaut de remise des attestations de formation engage la responsabilité de l'employeur pour faute
Dans une décision du 13 avril 2022, les juges de la Cour de cassation précisent que les attestations de formation constituent des « documents professionnels ». A ce titre, l'employeur commet une faute dans l'exécution du contrat de travail en ne les remettant pas au salarié. Cette faute peut causer un préjudice dont le salarié est fondé à obtenir réparation.
En effet, si le salarié se trouve dans l'impossibilité de présenter les documents attestant des formations qu'il a suivies, il peut démontrer qu'il a « perdu une chance d'être recruté sur certaines offres d'emploi », à partir du moment où ces formations sont exigées pour occuper le poste proposé (Cass. soc. 13 avril 2022,n° 20-21.501).
Dans cette affaire, l'employeur avait omis de remettre au salarié les certificats de soudure validant les formations qu'il avait suivies. Or, l'activité de soudure est fortement réglementée : à défaut de produire la preuve de ses qualifications en soudure, le salarié avait perdu une chance de répondre aux offres d'emploi comportant des activités de soudure.
La réparation de la perte d'une chance doit être mesurée à la chance perdue, en application de l'article 1240 du code civil. Il résulte en effet du principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime, que toute perte de chance ouvre droit à réparation. La Haute cour rappelle que les juges du fonds doivent évaluer la perte de chance dont ils constatent l'existence en son principe. Ils ne peuvent refuser de le faire aux prétextes que « le salarié ne verse aux débats aucun document permettant à la cour d'évaluer précisément le préjudice subi du fait de la perte de cette chance ». Ce faisant ils s'exposent à la censure de la Cour de cassation pour déni de justice, en application de l'article 4 du Code civil (dans le même sens voir également Cass. civ. 2ème, 25 mai 2022, n° 20-16.351).
L'attestation de formation ne doit pas uniquement faire la preuve de la participation à une formation
A ne voir dans l'attestation de formation que l'instrumentum, les employeurs en oublient parfois qu'il est également un négotium, comme en témoignent deux décisions rendues à propos de l'obligation de formation à la sécurité pesant sur l'employeur.
Le législateur édicte une formation renforcée à la sécurité pour certains salariées, notamment les CDD, lorsqu'ils sont affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité. A défaut de pouvoir démontrer que ces salariés ont bénéficié de cette formation, en cas d'accident du travail, la faute inexcusable de l'employeur est présumée établie (articles L. 4154-2 et L. 4154-3 du code du travail et L. 452-1 du code de la sécurité sociale).
L'employeur doit donc assurer la traçabilité du suivi de cette formation renforcée. L'attestation de formation sera le meilleur moyen d'assurer la preuve du respect de son obligation de formation. Cependant, il ne s'agit pas de démontrer la seule participation à une formation. L'attestation doit permettre de vérifier que le contenu de la formation de celle ci répond aux exigences règlementaires précitées. Or tel n'est pas le cas lorsque est produite une attestation « portant sur une demi-journée très générale » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 25 novembre 2021, 20-17.434)
A contrario, l'employeur qui produit des « attestations de formation dont le libellé est explicite, […] justifie de mesures suffisantes promptes à préserver sa salariée du risque de troubles musculo-squelettiques » (Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 17 juin 2022, 20/010291).
Quant à la forme, on notera que pour les juges de la Cour de cassation, le seul fait que les attestations aient été signées par le salarié est inopérant. Les juges de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion quant à eux attachent à la signature des attestations des effets. "Si [la salariée] indique qu'il n'est pas prouvé qu'elle ait effectué ces formations, il est toutefois constaté que les attestations sont signées de sa main sans qu'elles aient été arguées de faux".