Contrat de sous-traitance et clause de non concurrence
Le contrat de sous-traitance conclu avec un formateur peut-il contenir une clause de non-concurrence, et si oui, quelles en sont les conditions de validité ? Telles étaient les questions posées aux juges du Tribunal judiciaire d'Amiens dans une décision du 27 novembre 2024.
Par Valérie Michelet - Le 06 février 2025.
Un organisme de formation confie à une formatrice indépendante, via contrat de sous-traitance, l'animation de formations en bureautique et web marketing. Le contrat comporte une clause qui, à sa cessation et ce pour une durée de deux ans, interdit à la formatrice "de travailler directement avec le bénéficiaire de l'action ou son employeur même dans l'hypothèse ou la sollicitation serait à l'initiative dudit bénéficiaire". Poursuivie pour violation de cette clause, la formatrice invoque la nullité de celle-ci.
Il n'est pas fait droit à sa demande.
Un contrat de sous-traitance peut contenir une clause de non concurrence mais cette clause doit remplir certaines conditions pour être licite. Comme nous le rappellent les juges du tribunal judiciaire d'Amiens, "une clause de non-concurrence est licite lorsqu'elle est justifiée par les intérêts légitimes de son bénéficiaire, compte tenu de l'objet du contrat, et que, suffisamment limitée dans le temps et dans l'espace, elle ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d'exercice de la profession du débiteur de l'obligation. Ses effets doivent encore être proportionnés à l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre."
La clause de non concurrence doit être proportionnée aux intérêts légitimes de l'entreprise
Le donneur d'ordre a confié à la formatrice des prestations de formations aux outils du web et de l'informatique qu'elle a dispensées auprès de ses propres clients. Il apparaît donc non seulement que les deux organismes de formation se trouvent en situation de concurrence, mais encore que l'introduction de la formatrice indépendante auprès de ses clients justifie que le donneur d'ordre ait pu craindre un détournement de clientèle à raison des relations privilégiées que celle-ci a pu entretenir avec eux. Il s'ensuit que le donneur d'ordre démontre un intérêt légitime qu'une clause de non-concurrence est de nature à protéger.
La clause de non concurrence doit être limitée dans le temps
Par ailleurs, la clause de non concurrence est limitée dans le temps (deux ans). Pour les juges, cette durée est jugée licite dès lors que la formatrice ne démontre pas qu'elle serait contraire aux usages de sa profession. De surcroît, si les prestations facturées par le donneur d'ordre sont ponctuelles, elles ont vocation à être réitérées chez les mêmes clients, de sorte que la durée de deux ans n'apparaît pas disproportionnée au regard de l'intérêt légitime de ce dernier impliquant une protection contre tout détournement de clientèle.
La clause de non concurrence doit être limitée dans l'espace
Un seule ombre au tableau : la clause litigieuse ne prévoit pas expressément de limitation spatiale. Mais pour les juges, il apparaît que cette clause n'interdit aucunement à la formatrice d'exercer son activité où elle le souhaite, la seule restriction posée est de ne pas travailler directement avec le bénéficiaire de la prestation ou son employeur. Ils décident que sa rédaction n'est donc pas préjudiciable à l'indépendante.
La clause de non concurrence ne doit pas porter atteinte à la liberté d'entreprendre
La clause de non-concurrence n'empêche pas la formatrice d'exercer normalement son activité professionnelle. Ainsi, il ne lui est est pas fait interdiction générale d'exercer son activité professionnelle dans son domaine de compétence, puisque celle-ci peut poursuivre son activité de formation où bon lui semble, sous réserve, pendant deux ans, de ne pas former les bénéficiaires des prestations dispensées par elle sous l'égide du donneur d'ordre ou leurs employeurs.
Tribunal judiciaire d'Amiens, 27 novembre 2024, RG n° 24/00003
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