ANI du 11 janvier 2013
Droit à une période de mobilité volontaire : quels liens avec les dispositifs déjà existants ?
Par Romain Pigeaud - Le 21 janvier 2013.
L'article 7 de l'accord national interprofessionnel du 11 Janvier 2013 crée un nouveau droit : la période de mobilité volontaire sécurisée.
Cette dernière a pour objectif de permettre au salarié avec l'accord de l'employeur de s'absenter temporairement de l'entreprise pour découvrir un emploi dans une autre entreprise.
Ce nouveau droit est ouvert aux salariés des entreprises de 300 salariés et plus, et justifiant d'une ancienneté de deux années.
En pratique un avenant au contrat de travail est conclu précisant l'objet, la durée et la date de prise d'effet de la période de mobilité. Durant cette dernière période, le contrat de travail est suspendu.
Découvrir un autre métier dans une autre entreprise
La possibilité de suspendre le contrat de travail qui est offerte par le nouveau dispositif de mobilité en rappelle une autre : le congé sabbatique.
Ce dernier congé permet aux salariés de réaliser un projet personnel sans rupture du contrat de travail.
Le congé sabbatique peut permettre de découvrir un autre métier, une autre entreprise, mais à la condition de non opposition de l'employeur : « le salarié peut exercer pendant ce congé une activité professionnelle salariée ou non, mais il reste tenu envers son employeur des obligations de loyauté et de non-concurrence : cette activité peut être de même nature que celle exercée chez son employeur à condition que ce dernier en ait été informé préalablement et qu'il ne s'y soit pas opposé. »
Cass. soc. du 27.11.91, n° 88-43160 et 88-43161, SCIC c/ Plusson
De plus, la durée du congé sabbatique est encadrée : six à onze mois ; et il s'adresse à des salariés ayant 36 mois d'ancienneté dans l'entreprise et 6 années d'activité professionnelle.
Ainsi, l'objet de la période de mobilité est plus précis : il s'agit uniquement de découvrir un emploi dans une autre entreprise, l'accord de l'employeur pour accéder à un emploi dans une autre entreprise est un préalable au départ.
De plus, les conditions d'accès sont plus souples que celles du congé sabbatique puisque pour la période de mobilité la condition d'ancienneté est de deux ans. La durée de suspension du contrat est aussi prévue par l'employeur et le salarié sur l'avenant au contrat de travail, ce qui apporte une sécurisation.
Formations à l'issue de la mobilité
Le dispositif ne prévoit pas de période de réadaptation professionnelle lors du retour du salarié à l'issue de la période de mobilité, ni un droit à un bilan de compétences ou à une priorité d'accès pour une période de professionnalisation.
De tels droits et/ou priorités existent pour d'autres suspensions du contrat de travail, comme pour le congé parental d'éducation par exemple.
Les partenaires sociaux ont laissé cette question aux entreprises directement concernées. Ces dernières pourront proposer des formations lors du retour du salarié en fonction des situations de chaque salarié concerné.
CIF « privilégié »
Les partenaires sociaux ont cependant prévu un « CIF privilégié ». Le salarié doit avoir fait deux demandes de période de mobilité refusées successivement par l'employeur pour en bénéficier. Dés lors le CIF privilégié constitue une compensation suite aux refus de la mobilité : au lieu de découvrir un emploi dans une autre entreprise le salarié se formera.
Cependant, les partenaires sociaux ne définissent pas la nature de l'accès privilégié au CIF. Le CIF « privilégié » limitera-t-il les possibilités de report de l'employeur ? Cette demande de CIF peut dans l'état actuel de la législation être reportée par l'employeur. Le CIF « privilégié » offrira-t-il plus de garanties d'être pris en charge par le Fongecif comme pour le CIF « prioritaire » ?
Il existe actuellement un « CIF prioritaire » dans le cadre du DIF. Sa mise en œuvre est assez proche de celle dans le cadre de la période de mobilité : lorsque, durant deux exercices civils consécutifs, le salarié et l'employeur sont en désaccord sur le choix de l'action de formation au titre du DIF, l'Opacif dont relève l'entreprise assure par priorité la prise en charge financière de l'action dans le cadre d'un CIF.
Une différence entre les deux dispositifs peut être notée : pour le DIF, il s'agit d'un désaccord durant deux exercices civils consécutifs, tandis que pour la période de mobilité, il s'agit de deux refus successifs, sans condition de durée.
Il n'existe pas de statistiques quant au nombre de « CIF prioritaire » accordés annuellement. Lorsqu'ils sont interrogés, les Opacif font état de quelques centaines de demandes depuis la mise en place du dispositif. Les raisons évoquées sont d'une part la méconnaissance de cette possibilité, d'autre part ses difficultés de mise en œuvre.
Il est donc actuellement difficile d'envisager les différences pratiques entre « CIF privilégié » et « CIF prioritaire ». Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées quant à l'aspect « privilégié » : impossibilité de report de l'employeur, priorité d'accès, prise en charge renforcée, conseils en amont de la demande. Cependant, pour l'instant, il n'a pas été prévu d'autres négociations sur ce sujet.