Formateur : statut du temps de trajet domicile-lieu de la mission
Par Valérie Michelet - Le 26 août 2020.
La décision rendue par la Cour de cassation dans son arrêt du 8 juillet 2020 n'est pas nouvelle : lorsque le formateur se déplace dans l'exercice de ses fonctions, le temps de déplacement domicile-lieu d'exécution de la mission n'est pas du temps de travail effectif. Il ne lui est donc pas possible, comme c'était le cas en l'espèce, de demander des rappels de salaire pour heures supplémentaires.
Cette solution est conforme non seulement aux dispositions légales (article L3121-4 du Code du travail) mais également à celles de la CCN des organismes de formation du 10 juin 1988 (article 10).
Mais le formateur est souvent un travailleur itinérant ce qui explique le contentieux sur le temps de déplacement : dans les faits ayant donné lieu à l'affaire jugée par la Haute cour le 8 juillet 2020, les trajets aller-retour étaient importants, le domicile du salarié et le lieu de formation étant distants de près de 500 kilomètres.
Certains de ces travailleurs ont alors tenté de faire valoir l'article 2, point 1, de la directive 2003/88. La CJUE a rendu en 2015 une décision semant le doute sur la conformité de la législation française avec la directive européenne sur le temps de travail. Les juges y énonçaient ainsi que "l'article 2, point 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, dans lesquelles les travailleurs n'ont pas de lieu de travail fixe ou habituel, constitue du «temps de travail», au sens de cette disposition, le temps de déplacement que ces travailleurs consacrent aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients désignés par leur employeur."(Cour de justice de l'Union européenne, 3ème Chambre, Arrêt du 10 septembre 2015, Affaire nº C-266/14). En 2018, cependant la Cour de cassation a jugé qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que, exception faite de l'hypothèse particulière visée à l'article 7, § 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 en matière de congé annuel payé, celle-ci se borne à réglementer certains aspects de l'aménagement du temps de travail, de telle sorte que, en principe, elle ne trouve pas à s'appliquer à la rémunération des travailleurs et que, partant, le mode de rémunération des travailleurs dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle les travailleurs n'ont pas de lieu de travail fixe ou habituel et effectuent des déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients désignés par leur employeur, relève, non pas de ladite directive, mais des dispositions pertinentes du droit national (Cour de cassation, Chambre sociale, 30 mai 2018, n° 16-20.634)
Si le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif, lorsqu'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière (article L3121-4 du Code du travail).
Les juges dans leur décision du 8 juillet 2020 relèvent en effet que les temps de trajet allers-retours de la salariée, au regard notamment de leur important kilométrage, ne constituaient pas un temps de travail effectif mais devaient faire l'objet d'une contrepartie, non demandée par la salariée.
Cour de cassation, chambre sociale, 8 juillet 2020, n° de pourvoi: 18-24546 18-24669