Influenceurs : la loi encadre la promotion d'actions de formation
Une loi du 9 juin 2023 impose aux influenceurs en ligne une obligation de transparence dans leur activité promotionnelle. La promotion des actions de formation professionnelle est particulièrement visée.
Par Claire Maugin - Le 15 juin 2023.
La loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux a été publiée le 10 juin 2023 au Journal officiel. Les dispositions qui peuvent intéresser les organismes de formation, présentées ci-après, sont entrées en vigueur le 11 juin, sauf celles qui renvoient à un décret.
Définition de l'activité d'influenceur commercial
La loi définit l'activité d'influence commerciale par voie électronique, concernée par les nouvelles obligations qu'elle édicte.
Exercent une telle activité les personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d'une cause quelconque (Loi, art. 1).
A noter : La loi définit également l'activité d'agent d'influenceur. Celle-ci consiste à représenter, à titre onéreux, les influenceurs auprès des personnes physiques ou morales et, le cas échéant, leurs mandataires, dans le but de promouvoir, à titre onéreux, des biens, des services ou une cause quelconque. L'agent d'un influenceur doit notamment prendre les mesures nécessaires pour garantir la conformité de son activité à la loi du 9 juin 2023 (Loi, art. 7).
La loi comporte des dispositions, non détaillées ici, permettant son application aux influenceurs établis à l'étranger et s'adressant à un public établi sur le territoire français (Loi, art. 9).
Promotion d'une action de formation professionnelle
En matière de promotion, la loi impose aux influenceurs une obligation générale, qui concerne notamment les organismes de formation souhaitant promouvoir une action de développement des compétences, et des obligations spécifiques, d'une part aux actions de formation professionnelle, lorsqu'il est fait appel à des fonds publics ou mutualisés, et d'autre part aux actions éligibles au CPF.
Mention « Publicité »
Toute promotion de biens, de services ou d'une cause quelconque réalisée par un influenceur commercial doit être explicitement indiquée par la mention « Publicité » ou la mention « Collaboration commerciale ». Cette mention doit être claire, lisible et identifiable sur l'image ou sur la vidéo, sous tous les formats, durant l'intégralité de la promotion (Loi, art. 5, I).
Rappelons qu'il existe déjà des dispositions législatives, réglementaires et des règlements européens encadrant la publicité et la promotion des biens et services sur différents canaux publicitaires. Ainsi, la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique précise que toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle et rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée. Mais ce cadre juridique est peu connu est peu appliqué. Selon le bilan 2022 du certificat « Influence responsable » de l'Autorité de régulation de la publicité professionnelle (ARRP), seulement 55 % des influenceurs certifiés annonçaient correctement le caractère publicitaire de leurs contenus, contre 53 % des influenceurs non certifiés. C'est pourquoi le législateur a souhaité créer un régime d'information spécifique à la promotion de biens et services par les influenceurs, afin de lutter efficacement contre les publicités déguisées ou subreptices.
Les modalités d'application de ces dispositions seront définies par décret en Conseil d'Etat.
Action de formation financée sur fonds publics ou mutualisés
Lorsque la promotion porte sur l'inscription à une action de formation professionnelle financée sur des fonds publics ou mutualisés, la mention « Publicité » ou « Collaboration commerciale » doit comporter les informations liées :
- au financement,
- aux engagements et aux règles d'éligibilité associés,
- à l'identification du ou des prestataires responsables de cette action de formation. S'il s'agit d'une action éligible au CPF, il est également demandé une information liée à l'identification du prestataire référencé sur le service dématérialisé Mon compte formation.
Sont visées par cette obligation spécifique les actions de formation professionnelle financées par un Opco, une Transitions Pro, l'Etat, les Régions, la Caisse des dépôts, Pôle emploi ou l'Agefiph (Loi, art. 5, III).
On remarquera que les autres actions de développement des compétences (bilan de compétences, VAE et action de formation par apprentissage) ne sont pas explicitement visées.
Les modalités d'application de ces dispositions seront définies par décret en Conseil d'Etat.
Action de formation éligible au CPF
La loi interdit toute vente ou offre promotionnelle d'un produit ou toute rétribution en échange d'une inscription à des actions éligibles au compte personnel de formation (Loi, art. 4 ; Code du travail, art. L 6323-6 modifié).
En effet, des influenceurs proposent notamment des ordinateurs à petit prix contre une inscription à une formation via le CPF. Cette pratique contribue au démarchage abusif et a été dénoncée à maintes reprises par la Caisse des dépôts. L'interdiction de cette pratique est désormais clairement inscrite dans la loi.
Cette disposition complète le cadre juridique issu de la loi du 19 décembre 2022 visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation (CPF).
Sanctions
L'absence d'indication de la véritable intention commerciale d'une communication constitue une pratique commerciale trompeuse par omission au sens de l'article L 121-3 du Code de la consommation.
La violation des dispositions relative à la mention « Publicité » ou « Collaboration commerciale » est en outre punie de deux ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende, dans les conditions prévues aux articles L. 132-1 à L. 132-9 du Code de la consommation.
La violation des dispositions portant sur les actions de formation financées sur fonds publics ou mutualisés est punie d'un an d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende.
Rappelons enfin que tout manquement aux dispositions relatives aux formations éligibles au CPF est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale.
La loi comporte en outre des dispositions relatives aux obligations des plateformes en ligne, notamment celle de retirer les contenus illicites et d'autres renforçant les pouvoirs de la DGCCRF (Loi, art. 10 à 15).
Relations entre annonceurs, influenceurs, et agents d'influenceurs
La loi encadre les relations entre les influenceurs, leurs agents, et les annonceurs. Ces dispositions concernent les organismes de formation qui agissent en tant qu'annonceur, en rétribuant un influenceur en échange de la promotion de leur activité.
Conclusion d'un contrat
Lorsque la rémunération de l'activité d'influence commerciale par voie électronique ou la valeur totale cumulée de l'avantage en nature concédé en échange de celle-ci dépassera un certain montant, fixé par décret, le contrat passé entre un influenceur et un agent d'influenceur ou un annonceur ou, le cas échéant, leurs mandataires devra être rédigé par écrit.
Il devra comporter notamment les mentions et les clauses suivantes :
1° Les informations relatives à l'identité des parties, à leurs coordonnées postales et électroniques ainsi qu'à leur pays de résidence fiscale ;
2° La nature des missions confiées ;
3° S'agissant de la contrepartie perçue par l'influenceur, la rémunération en numéraire ou les modalités de sa détermination, le cas échéant la valeur de l'avantage en nature ainsi que les conditions et les modalités de son attribution ;
4° Les droits et les obligations incombant aux parties, le cas échéant, notamment en termes de droits de propriété intellectuelle ;
5° La soumission du contrat au droit français, notamment au Code de la consommation, au Code de la propriété intellectuelle et à la loi du 9 juin 2023, lorsque ce contrat a pour objet ou pour effet de mettre en œuvre une activité d'influence commerciale par voie électronique visant notamment un public établi sur le territoire français.
Cette obligation s'imposera sous peine de nullité du contrat (Loi, art. 8, I et II).
Responsabilité solidaire
L'annonceur, son mandataire le cas échéant, et l'influenceur et, le cas échéant, son agent, sont solidairement responsables des dommages causés aux tiers dans l'exécution du contrat d'influence commerciale qui les lie (Loi, art. 8, I et III).
Accès abonnés aux Fiches pratiques du droit de la formation : Fiche 13-8 Prospection commerciale (mise à jour à venir)