L'ordonnance portant réforme de l'inspection du travail est parue
Par Brigitte Caule - Le 02 mai 2016.
La réforme de l'inspection du travail, engagée depuis 2012, est effective sur l'ensemble du territoire depuis janvier 2015. Un de ses objectifs est de lutter contre la concurrence déloyale et le travail illégal par le biais d'un renforcement des moyens d'action de l'inspection du travail et de l'instauration de nouvelles sanctions permettant d'assurer l'effectivité des règles de base en droit du travail.
L'ordonnance porteuse de cette réforme entrera en vigueur le 1er juillet 2016 mais plusieurs décrets sont attendus.
Tout d'abord, concernant les inspecteurs et contrôleurs du travail, le principe de l'indépendance dans l'exercice de leurs missions au sens de l'Organisation internationale du travail, est affirmé. En outre, ils seront libres d'organiser et de conduire des contrôles à leur initiative et pourront décider librement des suites à y apporter.
Par ailleurs, les dispositifs d'arrêt temporaire de travaux et d'activité existants sont étendus (aujourd'hui réservés au BTP, ils sont généralisés à tous les secteurs d'activité) et leur efficacité est renforcée pour que l'inspection du travail puisse davantage mettre en sécurité les travailleurs exposés à des risques graves et mortels.
En outre, l'ordonnance crée un dispositif de retrait d'urgence spécifique concernant les jeunes âgés d'au moins 15 ans et de moins de 18 ans. Le déclenchement de cette procédure de retrait peut entraîner ou pas la suspension, voire la rupture du contrat de travail ou de la convention de stage liant le jeune à son entreprise.
Plus précisément, ces jeunes, s'il s'avère qu'ils sont affectés à des travaux interdits au sens de l'art. L4153-8 du Code du travail (catégories de travaux les exposant à des risques pour leur santé, leur sécurité, leur moralité ou excédant leurs forces, prévues par décret), doivent être retirés immédiatement de cette affectation dès que l'agent de contrôle de l'inspection du travail effectue cette constatation (notion de danger grave et imminent pour la vie ou la santé).
Ces décisions de retrait ne peuvent entraîner ni préjudice pécuniaire pour le jeune, ni suspension ou rupture de son contrat de travail ou de sa convention de stage.
Par ailleurs, concernant les jeunes visés par l'art. L4111-5 CT (salariés, y compris temporaires, stagiaires, autre personne placée à quelque titre que ce soit sous l'autorité de l'employeur), lorsqu'un agent de contrôle de l'inspection du travail constate un risque sérieux d'atteinte à leur santé, leur sécurité ou leur intégrité physique ou morale, il peut proposer au Direccte de suspendre leur contrat de travail ou leur convention de stage.
Cependant, cette suspension ne doit pas entraîner l'arrêt du versement de la rémunération ou de la gratification due au jeune. La rupture du contrat ou de la convention de stage ne peut pas non plus être envisagée.
Ensuite, dans le délai de 15 jours à compter du constat, le Direccte doit se prononcer sur la reprise de l'exécution du contrat ou de la convention. Le refus d'autoriser la reprise de l'exécution du contrat ou de la convention entraîne sa rupture à la date de notification du refus aux parties. Dans ce cas, l'employeur doit verser au jeune les sommes dont il aurait été redevable si le contrat ou la convention s'était poursuivi jusqu'à son terme.
En cas de recrutement du jeune en CDI, l'employeur lui verse les sommes dont il aurait été redevable si le contrat de travail s'était poursuivi jusqu'au terme de la formation professionnelle suivie.
En cas de refus d'autoriser la reprise de l'exécution du contrat ou de la convention, l'établissement de formation où est inscrit le jeune est informé afin de pouvoir prendre les mesures nécessaires pour lui permettre de suivre provisoirement la formation dispensée par l'établissement et de trouver un nouvel employeur susceptible de contribuer à l'achèvement de sa formation.
S'il s'agit d'un jeune qui suit une formation sous statut scolaire, l'établissement d'enseignement doit prendre les dispositions nécessaires pour assurer la continuité de sa formation.
Un décret en Conseil d'Etat déterminera les modalités d'application des dispositions ci-dessus.
D'autres dispositions sont à retenir de cette ordonnance :
les moyens d'accès aux documents de l'entreprise sont élargis afin de faciliter le travail d'enquête (une remise des documents rendus obligatoires par le Code du travail pourra remplacer la simple présentation) ;
les moyens de recours à une expertise technique et à des diagnostics pertinents sont renforcés.
Enfin, les modes de sanction en matière de droit du travail sont révisés.
D'une part, les sanctions pénales en matière de sécurité et de santé sont considérablement alourdies. Par exemple, la sanction pénale encourue en cas d'obstacle à l'exercice des fonctions d'agent de contrôle s'élèvera désormais à 37 500 euros (contre 3 750 actuellement).
D'autre part, les employeurs récalcitrants pourront se voir appliquer un système de sanctions diversifiées et adaptées :
des sanctions administratives permettent à l'administration de prononcer des amendes dans certains cas nécessitant une action plus rapide que la voie judiciaire. Elles devront être communiquées au CHSCT ou aux délégués du personnel ;
des sanctions pénales « modernisées » : transaction pénale (pour certaines contraventions ou délits) qui devra être homologuée par le procureur de la République, ordonnance pénale …
Changement de terminologie :
Les termes «inspecteur du travail et contrôleur du travail » sont remplacés par l'expression «agent de contrôle de l'inspection du travail ».
Ordonnance n° 2016-413du 7 avril 2016 relative à l'application du droit du travail (JO du 8.4.16), prévue par la loi Macron du 6 août 2015
Décret n° 2016-510 du 25 avril 2016 relatif au contrôle de l'application du droit du travail (JO du 27.4.16)