Ordonnances : renforcement de la négociation collective
Deux des cinq ordonnances relatives au dialogue social publiées le 23 septembre 2017 traitent plus particulièrement des modalités de la négociation de branche ou d'entreprise : articulation entre les accords de branche et d'entreprise, périodicité et thèmes de la négociation, personnes habilitées à négocier.
Par Delphine Fabian - Le 04 octobre 2017.
Articulation entre l'accord de branche et l'accord d'entreprise
L'articulation entre un accord de branche et un accord d'entreprise est redéfinie autour de 3 blocs. Le premier bloc couvre les matières dans lesquelles les stipulations de la convention de branche prévalent sur la convention d'entreprise, sauf si cette dernière assure des garanties au moins équivalentes. Parmi ces matières figurent notamment la mutualisation des fonds de la formation professionnelle et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Le deuxième bloc liste les thèmes à propos desquels la convention de branche pourra interdire les clauses dérogatoires des accords d'entreprise postérieurs, sauf, ici encore, si la convention d'entreprise assure des garanties au moins équivalentes. Parmi ces thèmes figure notamment celui de l'insertion professionnelle et du maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés.
Enfin, le troisième bloc englobe toutes les autres matières. Dans ces domaines, les dispositions de la convention d'entreprise prévalent sur celles ayant le même objet de la convention de branche.
Art. L2253-1 à L2253-3 du Code du travail
Art. 1 de l'ordonnance n° 2017-1385
Périodicité de la négociation des accords collectifs
La périodicité de la négociation de branche pourra être déterminée par accord, dans la limite de quatre ans, s'agissant notamment des matières suivantes :
mesures tendant à assurer l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ;
la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ;
mesures pour l'insertion professionnelle et le maintien dan l'emploi des travailleurs handicapés ;
les priorités, les objectifs et les moyens de la formation professionnelle des salariés.
En l'absence d'un tel accord, la périodicité triennale est maintenue.
Il en est de même pour la négociation d'entreprise sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et sur la GPEC qui devra avoir lieu au moins tous les quatre ans. A défaut d'accord fixant la périodicité de cette négociation, la périodicité actuelle (annuelle pour l'égalité professionnelle et triennale pour la GPEC) est maintenue.
Art. L2241-1, L2241-11 à L2241-14, L2242-1, L2242-2, L2242-13 du Code du travail
Art. 6 et 7 de l'ordonnance n° 2017-1385
Validation des accords dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux
Dans les entreprises où a été désigné au moins un délégué syndical, la loi Travail du 8 août 2016 a subordonné la validité des accords d'entreprise à leur signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur de syndicats représentatifs au 1er tour des dernières élections professionnelles. A défaut de majorité, les syndicats signataires ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés peuvent demander la consultation des salariés pour faire valider l'accord. S'agissant des accords sur la formation professionnelle, la date d'entrée en vigueur de ces dispositions, initialement fixée au 1er septembre 2019, est avancée au 1er mai 2018. Par ailleurs, le référendum pourra être également demandé par l'employeur.
Art. L2232-12 du Code du travail
Art. 10, 11 et 17 de l'ordonnance n° 2017-1385
Modalités de négociation dans les entreprises de moins de 50 salariés sans délégué syndical
Dans les entreprises de 11 à moins de 50 salariés sans délégué syndical, les négociations pourront être engagées indifféremment avec des salariés mandatés par les organisations syndicales ou avec des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.
Les accords pourront porter sur toutes les mesures pouvant faire l'objet d'un accord d'entreprise. Pour être valides, les accords conclus avec des élus devront être signés par des membres du comité social et économique représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles. Les accords conclus avec des salariés mandatés non élus devront être approuvés par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.
Dans les entreprises de moins de 11 salariés, l'employeur pourra proposer un projet d'accord aux salariés pouvant porter sur l'ensemble des thèmes ouverts à la négociation collective d'entreprise. Pour être valide, le projet devra être ratifié à la majorité des deux tiers par les salariés, dans des conditions qui seront définies par décret. Ces dispositions s'appliqueront aussi dans les entreprises de onze à vingt salariés en l'absence d'élu au comité social et économique.
Art. L2232-21 à L2232-23-1 du Code du travail
Art. 8 de l'ordonnance n° 2017-1385
Contestation des accords
Le Code du travail précise désormais que celui qui conteste la validité d'une convention ou d'un accord collectif doit démontrer qu'il n'est pas conforme aux conditions légales. Toute action en nullité doit être engagée dans les deux mois suivant :
la notification de l'accord d'entreprise aux organisations représentatives, pour les organisations disposant d'une section syndicale dans l'entreprise ;
la publication de l'accord sur la base de données nationale dans les autres cas.
Afin de tenir compte des conséquences économiques ou financières d'une décision d'annulation sur les entreprises et de l'intérêt des salariés, le juge pourra moduler les effets dans le temps de ses décisions.
Art. L2262-13 à L2262-15 du Code du travail
Art. 4 de l'ordonnance n° 2017-1385
Extension des accords collectifs
Une nouvelle condition est posée pour l'extension d'une convention de branche ou d'un accord professionnel. Ces derniers ne pourront être étendus que s'ils contiennent des dispositions propres aux entreprises de moins de 50 salariés ou les motifs de l'absence de telles dispositions.
Art. L2261-23-1 du Code du travail
Art. 2 de l'ordonnance n° 2017-1385
Le ministre du travail pourra étendre les clauses appelant des stipulations complémentaires de la convention ou de l'accord en subordonnant leur entrée en vigueur à l'existence de ces stipulations.
Un nouveau cas de refus d'extension d'un accord est prévu. Désormais, le ministre du Travail peut refuser une extension pour des motifs d'intérêt général, notamment pour atteinte excessive à la libre concurrence. Ces nouvelles dispositions seront applicables aux conventions et accords conclus à compter du 1er janvier 2018.
Art. L2261-25 du Code du travail
Art. 1 et 5 de l'ordonnance n° 2017-1388
Restructuration des branches professionnelles
La procédure de restructuration des branches professionnelles prévue par la loi travail du 8 août 2016 est accélérée. Le délai de mise en oeuvre de la fusion forcée par le ministre du Travail en raison de l'absence de négociation de nouvelles conventions de branche passe de trois ans à deux ans à compter d'août 2016. Le ministre pourra donc engager une procédure de fusion dès août 2018 (au lieu d'août 2019).
Art. 12 de l'ordonnance n° 2017-1385
Ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective