Prévention de l'usure professionnelle : modalités du fonds et précisions sur la cartographie des métiers exposés
Deux décrets publiés le 11 août 2023 précisent les conditions de mise en œuvre des dispositions relatives au fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle (FIPU) et fixent les modalités de répartition des crédits entre les différents bénéficiaires.
Par Valérie Michelet - Le 29 août 2023.
La loi sur la réforme des retraites de 2023 a créé, au sein de la Caisse nationale de l'assurance maladie, un fonds d'investissement dédié à la prévention de l'usure professionnelle (Fipu) placé auprès de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles. Le fonctionnement de ce fonds, les conditions de sa participation au financement des actions de formation, les modalités d'identification des métiers et des activités exposant aux facteurs de risques professionnels ainsi que les modalités de gestion et d'affectation de ses ressources ont été précisés par deux décrets publiés le 11 août 2023.
Fonctionnement du fonds
Les orientations du fonds, qui encadrent l'attribution de ses financements, sont définies par la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elles se fondent sur une cartographie des métiers et des activités particulièrement exposés aux facteurs de risques professionnels, qui s'appuie sur les listes établies, le cas échéant, par les branches professionnelles. La commission peut être assistée d'un comité d'experts, dont le fonctionnement et la composition sont fixés par le décret n° 2023-760 du 10 août 2023 (art. D221-42 à art. D221-50 nouveaux du Code de la sécurité sociale).
La commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT/MP) détermine, chaque année avant le 15 septembre, pour l'année à venir les orientations qui encadrent l'attribution des financements du Fipu (art. R221-9-1 nouveau du Code de la sécurité sociale).
Toutefois, les orientations pour les années 2023 et 2024 sont déterminées au plus tard le 31 octobre 2023 et le budget annuel d'intervention du fonds pour les exercices 2023 et 2024 est approuvé au plus tard le 15 novembre 2023. La commission peut modifier les orientations du fonds pour l'année 2024 avant le 30 mai 2024 pour tenir compte de la conclusion des accords de branche listant les métiers exposés à des facteurs de risques liés à des contraintes physiques marquées (manutentions manuelles de charges, postures pénibles définies comme positions forcées des articulations, vibrations mécaniques - ou facteurs de risques ergonomiques) (décret n° 2023-759 du 10 août 2023, article 4).
Par ailleurs, la commission AT/MP :
- approuve le budget annuel d'intervention du fonds pour l'exercice à venir ainsi que la répartition des crédits du fonds entre les différents usages prévus par la loi ;
- publie chaque année un rapport sur l'utilisation de ces crédits. Ce rapport annuel indique l'utilisation des crédits par chacun des bénéficiaires des fonds (voir ci-dessous) et présente également des statistiques sur la répartition des crédits entre les différents usages des fonds ainsi que l'impact, si ces données sont disponibles, en termes de sinistralité ;
- fixe les modalités de report des crédits non engagés au cours d'un exercice sur l'exercice suivant (art. R221-9-1 et R251-6-3 nouveaux du Code du travail).
Rappelons que le Fipu a pour mission de participer au financement par les employeurs d'actions de sensibilisation et de prévention, d'actions de formation éligibles au CPF et d'actions de reconversion et de prévention de la désinsertion professionnelle à destination des salariés particulièrement exposés aux facteurs de risques (art. L221-1-5 du Code de la sécurité sociale).
Cartographie des métiers et des activités particulièrement exposés aux facteurs de risques professionnels
Pour établir la cartographie des métiers et des activités particulièrement exposés aux facteurs de risques professionnels, la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles arrête une nomenclature commune des métiers et des activités. Cette nomenclature précise aussi les données relatives à la sinistralité et aux expositions professionnelles qu'elle utilise. Les situations de travail peuvent, le cas échéant, être prises en compte. Cette nomenclature s'impose également aux branches pour fixer leurs listes de métiers et d'activités établies par les branches professionnelles concernant les métiers exposés à des facteurs de risques ergonomiques (art. R221-9-2 nouveau du Code de la sécurité sociale).
Pour aller plus loin ! Le ministère du travail a mis en ligne le 7 juin 2023 une FAQ concernant la possibilité pour les branche de négocier des listes de métiers ou activités particulièrement exposés aux facteurs ergonomiques. Le ministère, y rappelle que le nouveau dispositif créé par la loi "mobilise pleinement les branches professionnelles, confirmant leur rôle en matière de dialogue social relatif aux conditions de travail".
La commission des accidents du travail et des maladies professionnelles établit la cartographie en intégrant les listes des branches. Toutefois, une telle intégration n'est possible que s'il n'existe aucune incohérence au regard des données disponibles relatives à la sinistralité et aux expositions professionnelles (art. R221-9-2 nouveau du Code de la sécurité sociale).
En l'absence de liste établie pour une branche donnée ou, lorsqu'après échange avec la branche professionnelle, une incohérence subsiste, la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles complète la cartographie, en déterminant les métiers et activités particulièrement exposés, à partir des données disponibles relatives à la sinistralité et aux expositions professionnelles pour les secteurs d'activités concernés. Pour identifier les incohérences et pour compléter la cartographie, la commission peut être assistée par le comité d'experts (Art. R. 221-9-2 nouveau du Code de la sécurité sociale).
Financement du fonds
Le budget du Fipu doit être équilibré en recettes et en dépenses (art. R251-6-1 nouveau du Code de la sécurité sociale).
Les dépenses du fonds sont constituées par le versement de subventions :
- aux entreprises, notamment celles identifiées par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), en vue de soutenir leurs démarches de prévention des effets de l'exposition aux facteurs de risques ergonomiques et leurs actions de formation en faveur des salariés exposés à ces facteurs. Le FIPU accorde des subventions à ces entreprises pour réduire l'exposition aux risques professionnels ergonomiques notamment dans une démarche de renforcement de la prévention primaire des risques professionnels et de la préservation de la santé au travail des salarié ;
- aux organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail constitués dans les branches d'activités présentant des risques particuliers et ayant conclu une convention avec la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) dans des conditions définies par voie réglementaire. Pour bénéficier de ce financement, ces organismes concluent une convention d'une durée de cinq ans avec la CNAM. Cette convention contient des objectifs de baisse de sinistralité, des actions de sensibilisation et de prévention des risques professionnels (art. D221-50 nouveau du Code de la sécurité sociale). Le financement attribué à ces organismes ne peut être supérieur à 5 % de leur budget annuel. Par dérogation, pour les organismes créés à partir du 1er septembre 2023, le financement attribué pour chacun des deux premiers exercices ne peut être supérieur à 30 % du budget annuel de l'organisme (art. R251-6-4 nouveau du Code de la sécurité sociale) ;
- à France compétences, qui répartit la dotation ainsi reçue entre les Transitions Pro pour le financement de projets de transition professionnelle.
Le fonds a également pour mission de participer au financement par les employeurs d'actions de reconversion et de prévention de la désinsertion professionnelle à destination des salariés particulièrement exposés aux facteurs de risques professionnels ergonomiques (art. L221-1-5 Code de la sécurité sociale). Les actions de prévention de la désinsertion professionnelle comprennent notamment les mesures individuelles concernant le poste de travail, lorsqu'elles sont prescrites au bénéfice d'un salarié exposé à un ou plusieurs facteurs de risques ergonomiques (art. R251-6-1 nouveau du Code de la sécurité sociale).
Un arrêté des ministres chargés de la Sécurité sociale et du Travail définit la liste des documents qui doivent être fournis préalablement à l'attribution du financement (art. R251-6-2 nouveau du Code de la sécurité sociale).
Les financements attribués par le Fipu ne peuvent servir à prendre en charge des frais de personnel, à l'exception des frais de gestion des Transitions Pro afférents aux projets de transition professionnelle financés par le fonds, ainsi que des frais de personnel exclusivement dédiés aux actions de sensibilisation et de prévention prises en charge par le fonds.
A la clôture de l'exercice budgétaire, les sommes non engagées par les bénéficiaires provenant du fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle lui sont restituées (art. R251-6-4 nouveau du Code de la sécurité sociale).
Voir aussi : la vidéo sur "Les mesures de la loi Retraite pour la reconversion des salariés soumis aux risques de pénibilité et d'usure professionnelles"