L’hémicycle du Sénat.
Projet de loi de finances 2025 : le point
Un récapitulatif sur l'avancement du PLF 2025 sous le Gouvernement Bayrou et les mesures adoptées après première lecture du Sénat.
Par Eugénie Caillet - Le 28 janvier 2025.
Actualisation au 3.2.25
Une commission mixte paritaire – composée de sénateurs et députés de l'Assemblée nationale – avait été convoquée pour se prononcer sur le projet de loi de finances 2025 tel qu'adopté au Sénat. Elle s'est réunie du 30 au 31 janvier 2025. Le Premier ministre prévoit d'user de l'article 49.3 pour un passage sans vote du texte sur lequel la commission a abouti. Dans ce cas, il pourrait être considéré adopté dès le 5 février, sauf motion de censure. Hors cette hypothèse, la discussion en séance publique au Sénat est prévue pour le 6 février.
Nous vous présentons ci-dessous les principales dispositions issues du texte adopté par le Sénat le 23 janvier 2025. Important – actualisation au 3.2.25 : le texte de la commission mixte paritaire est revenu sur plusieurs dispositions qui avait été adoptées au Sénat le 23 janvier 2025. Une actualité les présentant est en cours de rédaction. Nous signalons d'ores et déjà que le texte de la commission ne prévoit plus, à date, l'exclusion de l'aide à l'embauche d'apprentis des contrats dans les entreprises de 250 salariés et plus pour un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalant au moins au niveau 6.
PLF 2025 adopté par le Sénat : les principales dispositions relatives à la formation professionnelle
Une revue des principales mesures concernant les dispositifs de formation professionnelle, le financement de ces dispositifs et des acteurs.
■ Apprentissage : réduction-rationalisation des coûts et de la prise en charge
> Reciblage de l'aide unique aux employeurs d'apprentis
Il serait prévu d'exclure de l'éligibilité à l'aide unique de l'Etat les contrats d'apprentissage conclus dans les entreprises de 250 salariés et plus pour un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalant au moins au niveau 6 du Cadre national des certifications professionnelles. Ce re ciblage est présenté comme visant à concentrer les aides à l'apprentissage sur les plus petites entreprises et les jeunes – moins qualifiés – dont le niveau de qualification est inférieur à bac + 3. Les aides ne pourraient plus être versées aux entreprises de 250 salariés et plus pour l'embauche d'un apprenti préparant un diplôme de niveau bac + 3 et plus. Le ciblage resterait toutefois sans effet sur ces entreprises qui signent des contrats préparant un diplôme dont le niveau est inférieur à bac + 3.
(Art. 65 ter (nouveau) du PLF 2025 au 23.1.25 modifiant art. L6243-1 du Code du travail – issu d'un amendement adopté)
Conséquence budgétaire : diminution de crédits corrélatifs
Les crédits dédiés à l'aide unique aux employeurs d'apprentis seraient réduits de 300 millions d'euros en autorisation d'engagement et 150 millions d'euros en crédit de paiement.
(Art. 42 du PLF 2025 au 23.1.25 – crédits de la mission – Etat B modifié – issu d'un amendement adopté)
> Minoration des NPEC pour les formations visant des niveaux 6 et 7
L'Opco prendrait en charge 90 % du NPEC fixé lorsque le diplôme ou titre à finalité professionnelle visé équivaut au niveau 6 du cadre national des certifications professionnelles ; il prendrait en charge 80 % de ce même NPEC en présence d'un diplôme ou titre visé équivalant au niveau 7 du cadre. La mesure suit les recommandations de l'IGAS et l'IGF, les inspections recommandant de minorer le financement par France compétences des NPEC des niveaux 6 et 7, les formations correspondantes étant plus coûteuses que les formations de niveaux inférieurs tout en représentant un moindre nombre total de contrats (respectivement 18 % et 17 % courant 2024).
(Art. 65 sexies (nouveau) du PLF 2025 au 23.1.25 modifiant art. L6332-14 du Code du travail – issu d'un amendement adopté)
Conséquence budgétaire : réduction de 620 millions d'euros de la subvention de France compétences
Cette réduction représenterait les économies de France compétences3 évaluées à hauteur de ce montant et résultant des baisses de financement des NPEC pour les formations de niveaux 6 et 7, suivant un scénario de l'IGAS et L'IGF.
(Art. 42 du PLF 2025 au 23.1.25 – crédits de la mission – Etat B modifié – issu d'un amendement adopté)
> Minoration des NPEC en cas de formation à distance
Lorsque la formation s'effectue intégralement à distance, les niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage pourraient être minorés* d'un montant au moins égal à un pourcentage fixé par décret. La mesure a pour objet d'ajuster de manière plus précise et équitable la prise en charge des contrats d'apprentissage pour les formations exclusivement en ligne qui impliquent des coûts réduits pour les centres de formation.
(Art. 65 quinquies (nouveau) du PLF 2025 au 23.1.25 – issu d'un amendement adopté)
*L'amendent sénatorial énonçait que les NPEC « sont minorés » d'un montant au moins égal à un pourcentage fixé par décret ; le Gouvernement a modifié par un sous-amendent adopté cette rédaction pour la remplacer par l'actuelle : « peuvent être minorés ». Il s'agirait par ce changement de ne pas préempter les résultats d'une concertation en cours de parties prenantes sur les NPEC de formations entièrement à distance. A suivre le Conseil d'Etat, en effet, ce rédactionnel laisse une marge de manœuvre supplémentaire au pouvoir réglementaire : voir notre actualité Centre Inffo.
■ Soutien des entreprises en contrepartie d'engagements en emploi et formation
> "Activité partielle de longue durée rebond"
Il serait prévu l'institution d'un dispositif spécifique d'activité partielle dénommé « activité partielle de longue durée rebond ». Il viserait à assurer le maintien dans l'emploi des salariés des entreprises en difficulté. Ce dispositif est présenté comme plus favorable que l'activité partielle de droit commun s'agissant par exemple de sa durée de mise en œuvre et de ses taux de prise en charge. Il ne serait pas cumulable avec ce dernier, et mobilisable par l'entreprise via un accord collectif conclu à son niveau ou un document unilatéral pris sur le fondement d'un accord de branche. L'employeur doit prendre des engagements en contrepartie, notamment pour le maintien de l'emploi et la formation professionnelle.
Un décret en Conseil d'Etat préciserait les modalités d'application du dispositif.
Il a été proposé par le Gouvernement.
(Art. 65 septies (nouveau) du PLF 2025 au 23.1.25 – issu d'un amendement adopté)
■ ACRE et CPF
> Reciblage de l'éligibilité des formations ACRE au financement du CPF
Seules les formations à l'acquisition de compétences pour créer ou reprendre une entreprise et correspondant à des compétences professionnelles sanctionnées par une certification enregistrée aux Répertoires nationaux pourraient être financées au titre du CPF. Cette mesure vise à enrayer les abus constatés résultant de l'éligibilité sans condition de sanction certificatrice des actions de formation actuellement prévue au titre de l'ACRE (art. L6323-6, II 4°). Elle permettra de garantir la qualité des offres de formation.
(Art. 65 quater (nouveau) du PLF 2025 au 23.1.25 modifiant art. L6323-6 du Code du travail – issu d'amendements adoptés)
Conséquence budgétaire : réduction de la subvention de France compétences
Il s'agirait de répercuter sur la subvention attribuée à France compétences3, en la minorant à due proportion sur les crédits correspondants, les économies de 62,5 millions d'euros générées par la suppression de cette « éligibilité de droit au CPF » des actions de formation au titre de l'aide à la création ou de reprise d'entreprise (ACRE).
(Art. 42 du PLF 2025 au 23.1.25 – crédits de la mission – Etat B modifié – issu d'un amendement adopté)
■ Ressources
Taxe d'apprentissage
> Suppression du taux réduit de taxe d'apprentissage en Alsace-Moselle
Serait supprimé le taux réduit de 0,44 % (le taux normal étant de 0,68 %) pour les établissements situés dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, quel que soit le lieu du siège du principal établissement de l'entreprise. La mesure suit les préconisations de l'IGAS et l'IGF qui recommandent la fin de ce taux réduit. "Alors que les entreprises établies dans ces trois départements bénéficient pleinement du soutien public à l'apprentissage, il ne paraît pas légitime qu'elles y contribuent moins que les entreprises établies sur le reste du territoire", selon l'amendement.
(Art. 33, VII, 5° (nouveau) du PLF 2025 au 23.1.25 modifiant art. L6241-1-1 du Code du travail – issu d'un amendement adopté)
> Ciblage de l'exonération de taxe d'apprentissage des mutuelles aux seules rémunérations des apprentis
Seraient exonérées de la taxe d'apprentissage les rémunérations dues aux apprentis par les mutuelles régies par les livres Ier et III du Code de la mutualité. A date, ces dernières ne sont pas redevables de la taxe d'apprentissage. L'amendement suit les recommandations de l'IGAS et l'IGF de rationalisation des exonérations (en prévoyant une assiette de l'exonération) de la taxe d'apprentissage.
(Art. 33, XVII (nouveau) 2° du PLF 2025 au 23.1.25 modifiant arts. L6241-1 et L6241-1-1 du Code du travail – issu d'un amendement adopté)
Plus-values de cession immobilière : traitement favorisant l'investissement dans les résidences de stagiaires et d'alternants
Le projet prévoit une prise en compte des amortissements déduits pendant la période de location d'un bien d'un loueur meublé non-professionnel dans le calcul de la plus-value (PV) immobilière réalisée lors de la cession du bien2. Ce nouveau dispositif ne serait néanmoins pas applicable aux investisseurs non professionnels pour les logements de résidences notamment destinées à l'accueil exclusif des personnes de moins de 30 ans en formation ou stage, des personnes titulaires d'un contrat de professionnalisation ou d'apprentissage. Ainsi, pour le calcul de la PV de cession de ces biens, le prix d'acquisition ne serait, par exception, non minoré des amortissements déduits pendant la période de location.
(Art. 24 (modifié) du PLF 2025 au 23.1.25 modifiant art. 150 VB du Code général des impôts – issu d'amendements adoptés)
Fiscalité des collectivités territoriales : maintien du montant de la neutralisation financière de la réforme de l'apprentissage
Le montant pour 2025 de ce prélèvement au profit des Régions est toujours de 122 559 085 euros. Pour rappel, il permet de compenser la perte de ressources des Régions liée aux transferts de compétences (notamment, elles ne financent plus les CFA) issus de la réforme de septembre 2018 « Avenir professionnel ».
(Art. 32 du PLF 2025)
■ Autres mouvements de crédits – Financements
> Réduction de la subvention de France compétences au titre d'un définancement du PIC
Il serait prévu une baisse de la subvention de l'Etat à France compétences3 au titre de la suppression du fonds de concours pour le financement du PIC par cet opérateur. Au titre de ce poste d'économies, la subvention de France compétences serait réduite de 336 millions d'euros.
(Art. 42 du PLF 2025 au 23.1.25 – crédits de la mission – Etat B modifié – issu d'un amendement adopté)
> Augmentations de fonds
>> Pacea
L'enveloppe budgétaire allouée au Parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (Pacea) serait augmentée de 10 millions d'euros. La mesure permettrait de ne pas limiter excessivement le nombre d'entrées en Pacea en 2025 par rapport à 2024.
(Art. 42 du PLF 2025 au 23.1.25 – crédits de la mission – Etat B modifié – issu d'un amendement adopté)
>> Geiq
L'enveloppe budgétaire consacrée aux Geiq serait augmentée de 1 millions d'euros. Il s'agit par cette mesure d'amoindrir la baisse de budget alloué aux Geiq pour 2025, qui pourrait "réduire encore un peu plus les volumes d'aide à l'accompagnement conventionné avec les DREETS ou DDETS, et donc, à terme, de mettre en danger certains Geiq". Or ces "Geiq accueillent des publics de plus en plus nombreux et pour certains, de plus en plus éloignés de l'emploi".
(Art. 42 du PLF 2025 au 23.1.25 – crédits de la mission – Etat B modifié – issu d'un amendement adopté)
>> Maisons de l'emploi
L'enveloppe budgétaire dévolue aux Maisons de l'emploi serait augmentée de 5 millions d'euros, celles-ci étant essentielles à la mise en œuvre des politiques de l'emploi au niveau local.
(Art. 42 du PLF 2025 au 23.1.25 – crédits de la mission – Etat B modifié – issu d'un amendement adopté)
> Sincérisation du plafond d'affectation à France compétences de la participation au financement de la formation des indépendants
Il serait appliqué au plafond d'affectation à France compétences de la contribution de 0,29 % du PASS due par des travailleurs indépendants la règle de sincérisation prévue par l'article 8 de la Loi de programmation des finances publiques 2023-20274. Le plafond d'affectation à France compétences pour cette ressource serait donc revu à la baisse, passant de 105 millions d'euros à 99 260 726 d'euros (le rendement de cette contribution est estimé à 94 534 025 d'euros pour 2025).
(Art. 33 (modifié) du PLF 2025 au 23.1.25 – issu d'un amendement adopté)
Projet de loi de finances pour 2025 (Texte n° 39 adopté par le Sénat le 23 janvier 2025)
Liste des amendements adoptés – Sénat
1 Résultats détaillés du scrutin via ce lien (site du Sénat)
2 Cette disposition tend à une égalité de traitement entre loueurs professionnels et non professionnels, qui ne tiennent pas compte actuellement des amortissements qu'ils ont déduits de leurs revenus au cours de la location dans le calcul de leur(s) PV au moment de la cession, contrairement aux loueurs professionnels.
3 La subvention de l'Etat à France compétences pour 2025 était prévue à hauteur 2 milliards d'euros dans les documents budgétaires.
4 L'article 8 de la Loi de programmation prévoit que le plafond d'affectation d'une imposition de toutes natures à un organisme ne peut excéder de plus de 5 % (l'excédent est donc possible mais limité à ce ratio) le rendement de l'imposition prévu. Cette règle contribue au renforcement du principe de sincérité budgétaire et à la bonne information du Parlement quant aux ressources dont bénéficiera réellement l'organisme en cause.