Contrat de professionnalisation : réalité des formations organisées par l'entreprise en interne
Par Valérie Michelet - Le 21 mars 2017.
Les employeurs doivent justifier de la réalité des actions de formation qu'ils conduisent lorsqu'elles sont financées par les organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle continue, à défaut, ces actions sont réputées ne pas avoir été exécutées et donnent lieu à remboursement auprès de l'organisme ou de la collectivité qui les a financées.
Ces règles s'appliquent aux actions de professionnalisation dispensées dans le cadre du contrat de professionnalisation.
Deux décisions de Cours d'appel administrative - la première émanant de la CAA de Nantes rendue le 1er février 2017, la seconde, de la CAA de Versailles en date du 14 mars 2017 - sont l'occasion de rappeler les règles permettant de faire la preuve de la réalité des actions de professionnalisation notamment lorsque l'entreprise dispense en interne les enseignements généraux, professionnels et technologiques (article L6325-2 du Code du travail).
Feuilles d'émargement
Dans la décision de la CAA de Versailles, le FAFIEC, organisme paritaire collecteur agréé, a financé les actions de formation entreprises au profit de six salariés d'une société dans le cadre de contrats de professionnalisation.
Pour justifier la réalité de ces actions, la société en question produisait :
- des attestations établies pour les besoins de l'instance devant les tribunaux administratifs ;
- des attestations de présence, cosignées par le gérant de la société et trois des salariés bénéficiaires des contrats de professionnalisation, attestant mensuellement du déroulement des formations et du nombre d'heures réalisées.
La société ne produisait donc pas les feuilles d'émargement des stagiaires, datées et signées par séance, dont l'établissement est une obligation (article R6332-26 du Code du travail).
A ce sujet, la loi du 8 août 2016, dite loi Travail, ouvre la voie à un assouplissement de la preuve de l'assiduité en reconnaissant la notion de parcours de formation (article L6325-13 du Code du travail), et, en corollaire, la prise en charge des actions dans le cadre de la professionnalisation (période et contrat) sur la base de forfait et non plus sur une base horaire (article L6332-14 du Code du travail).
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Pour aller plus loin voir la Fiche 6-15 - Contrôle et sanction de l'administration (accès abonné)
Document précisant les objectifs, le programme et les modalités d'organisation, d'évaluation et de sanction de la formation
Si les enseignements généraux, professionnels et technologiques du contrat de professionnalisation peuvent être organisés par l'entreprise lorsqu'elle dispose d'un service de formation (article L6325-2 du Code du travail), cela ne la dispense de produire :
- d'une part, le document précisant les objectifs, le programme et les modalités d'organisation, d'évaluation et de sanction de la formation. Ce document doit obligatoirement être annexé au contrat de professionnalisation (article D6325-11 du Code du travail) ;
- d'autre part, la convention précisant les objectifs, le programme et les modalités d'organisation, d'évaluation et de sanction de la formation (article D6325-12 du Code du travail).
La société dans l'affaire jugée par la CAA de Versailles s'était bornée, pour justifier la réalité de ces actions de professionnalisation, à produire, outre les contrats de travail et curriculum vitae des salariés concernés, des plans de formation de caractère général, pièces ne répondant pas aux exigences légales.
On notera que la CAA de Nantes, dans sa décision du 1er février 2017, condamne quant à elle un organisme de formation au remboursement des sommes versés par l'Opca en raison des heures de formation dont a bénéficié deux stagiaires en contrat de professionnalisation, ces heures n'étant pas justifiée du fait notamment de l'absence de la convention prévue à l'article D6325-12 du Code du travail .
Notion de "service formation"
L'administration a eu l'occasion de préciser ce qu'il fallait entendre par "service de formation" (circulaire DGEFP n° 2012-15 du 19 juillet 2012 relative à la mise en œuvre du contrat de professionnalisation). Il faut que l'entreprise dispose d'une structure pérenne de formation identifiée comme telle dans l'organisation de l'entreprise et donc des moyens nécessaires à une prestation de formation : locaux, supports pédagogiques, planning réservés aux actions de formation. Ce service doit faire appel à des formateurs qui consacrent tout ou partie de leur temps à la délivrance d'actions de formation.
Les pièces produites par la société dans l'affaire jugée par la CAA de Versailles ne permettaient pas de vérifier qu'elle disposait des moyens financiers, techniques et pédagogiques pour mettre en œuvre les formations alléguées. La société n'avait par ailleurs communiqué aucun support pédagogique au cours du contrôle. Il en découlait que les documents produits étaient insuffisants, compte tenu de leur nature et de leur imprécision, pour établir la réalité des actions de formation litigieuse.
Pour aller plus loin, voir Fiche 18 - 3 Modalités de délivrance de la formation (accès abonné)
Réalité du tutorat
Enfin, si dans l'affaire jugée par la CAA de Versailles, la société indiquait les noms des tuteurs des salariés concernés par les contrats de professionnalisation, ceux-ci étaient également les personnes désignées en qualité de formateurs, et aucune pièce ne permettait de justifier de l'effectivité de leur rôle.
Pour aller plus loin, voir Fiche 18 - 5 Accompagnement par un tuteur (accès abonné)
CAA de NANTES, 2ème chambre, 1 février 2017, n° 15NT01224, inédit au recueil Lebon.
CAA de VERSAILLES, 4ème chambre n° 15VE01465, 14 mars 2017, inédit au recueil Lebon