L'employeur mobilisant un DIF sans le consentement du salarié commet un trouble manifestement illicite
Une décision en date du 30 juin 2016 de la Cour de cassation, rendue au visa des dispositions relatives au DIF alors applicables, rappellent que les formations dans le cadre de ce dispositif ne pouvaient s'effectuer qu'avec l'accord express du salarié.
Par Valérie Michelet - Le 23 septembre 2016.
Mobiliser des heures de DIF sans le consentement du salarié constitue un trouble manifestement illicite
Une Cour d'appel, saisie en référé, a pu valablement constater l'existence d'un trouble manifestement illicite constitué par la violation des règles relatives à la formation professionnelle à l'encontre de l'employeur ayant, sans l'autorisation de ses titulaires, utiliser leurs heures de droit à formation DIF.
C'est en effet ce que décide la Cour de cassation dans un arrêt en date du 16 juin 2016.
Au visa de l'article L6323-9 du Code du travail alors applicable et fixant les règles de mobilisation des heures de DIF, et de l'accord d'entreprise du 2 avril 1999, les juges de la Haute cour rappellent que le choix de l'action de formation envisagée est arrêté par accord écrit du salarié et de l'employeur.
Il résulte de l'application de ces textes que les juges du fond ayant relevé que les actions de formation n'avaient pas été demandées par les salariés, ces temps de formation ne pouvaient être débités de leur compteur transitoire sans leur accord. La cour d'appel en a exactement déduit que l'imputation des temps de formation sur le compte épargne formation constituait un trouble manifestement illicite.
Cette décision est certes prise dans le cadre du DIF désormais abrogé, mais un raisonnement analogue devrait pouvoir être tenu en matière de Compte personnel de formation (CPF). Attention donc à "l'incitation" à la mobilisation du CPF des salariés !
Le cas de la société Renault : articulation par le juge des règles légales et conventionnelles
La société Renault a conclu, le 2 avril 1999, un accord sur la réduction du temps de travail et l'emploi qui institue, dans son article 4, un droit individuel à la formation financé par un compte épargne formation (CEF) dont une partie s'exerce en dehors du temps de travail effectif et qui complète les formations aux postes de travail dispensées pendant le temps de travail effectif.
Selon l'article 4.2.2.1 de cet accord, relatif à la demande de formation au titre du compte épargne formation, la demande de formation est présentée par le salarié ou la hiérarchie lors d'une réflexion menée en commun sur le développement des compétences ou à l'occasion de l'entretien annuel.
Le 13 mars 2013, un accord de groupe a mis fin au CEF et les dispositions légales relatives au DIF, issues de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 se sont substituées à celles de l'accord du 2 avril 1999 à compter du 1er novembre 2013.
A cette date, les droits capitalisés par les salariés au sein de leur compte épargne formation ont été versés dans un compteur transitoire. Plusieurs salariés soutenant que la société Renault avait imputé une partie des formations décidées par l'employeur sur leur compteur transitoire ont saisi le juge des référés pour qu'il soit ordonné à la société de re-créditer lesdits comptes.
Motifs développés par la société Renault
Pour l'employeur, la Cour d'appel ne pouvait sans violer la loi, estimer que l'imputation des temps de formation non demandées par les salariés constituerait un trouble manifestement illicite et ordonner la ré-imputation de l'ensemble des heures correspondant à des formations effectuées à la suite d'une proposition de l'employeur, sans rechercher si, pour chacune des formations proposées à chacun des salariés défendeurs :
- le suivi de la formation proposée par l'employeur était facultatif et pouvait donc être refusé préalablement à la formation ;
- le salarié était préalablement informé de ce que les heures de formation seraient débitées de son compte épargne formation, de sorte que la participation du salarié à la formation était constitutive d'une acceptation claire et non équivoque de l'utilisation de son droit individuel à la formation dans les conditions prévues par l'accord du 2 avril 1999.
Cass. soc. 30 juin 2016, n° de pourvoi : 15-10214, Non publié au bulletin