Fouzi Fethi, responsable du pôle droit et politiques de formation, conférences et formations, à Centre Inffo.

Fouzi Fethi, responsable du pôle droit et politiques de formation, conférences et formations, à Centre Inffo.

Qualiopi : faut-il aussi « certifier » les auditeurs ?

Face aux disparités dans les pratiques de l'audit, Fouzi Fethi, responsable du pôle Droit et Politiques de Formation à Centre Inffo, s'interroge sur la pertinence de « certifier » les auditeurs Qualiopi.

Par - Le 05 septembre 2024.

La certification Qualiopi a non seulement créé un marché pour les organismes certificateurs, mais a également ouvert la voie à une grande diversité de profils d'auditeurs. Le fait que cette fonction soit accessible sans diplôme ni formation spécifique engendre des disparités dans l'audit de la conformité des organismes de formation. Dès lors, la question de l'instauration d'une certification spécifique pour les auditeurs Qualiopi mérite d'être sérieusement envisagée. Une telle mesure viserait à uniformiser les compétences des auditeurs et, par conséquent, à garantir une approche plus homogène et rigoureuse dans la vérification de la conformité des prestataires de formation. Cependant, bien que cette idée semble judicieuse à première vue, sa mise en œuvre pourrait s'avérer complexe.

Une professionnalisation disparate

Il convient de rappeler que la certification Qualiopi, obligatoire pour tous les prestataires de formation bénéficiant de fonds publics, est délivrée par des organismes certificateurs accrédités par le Comité français d'accréditation (Cofrac). Ces organismes doivent préciser, lors de leur candidature, « les critères d'expérience professionnelle dans le champ de la formation professionnelle pour qualifier » leurs auditeurs. Ceux-ci doivent également « disposer d'une formation ou d'une expérience professionnelle dans le domaine de l'audit »[1]. Le Cofrac est chargé de vérifier la qualification des auditeurs[2], mais sans se référer à un standard commun définissant les connaissances et compétences requises pour exercer cette fonction.

Cette absence d'exigence permet à chaque organisme certificateur de fixer ses propres critères, entraînant ainsi une disparité significative dans la qualification des auditeurs. D'autant plus que, sous la pression des exigences commerciales, certains organismes certificateurs peuvent abaisser leurs exigences lors du recrutement des auditeurs, ce qui peut, par ricochet, affecter la pratique des audits. Les organismes de formation se retrouvent alors confrontés à des appréciations dont la pertinence varie considérablement d'un auditeur à l'autre, ce qui engendre une incertitude quant à la réelle valeur de la certification obtenue.

La nécessité d'un socle commun

Pour remédier à cette situation, ne serait-il pas pertinent d'exiger un socle commun pour tous les auditeurs, quel que soit l'organisme qui les mandate ? Ce socle pourrait dépasser la simple maîtrise des techniques d'audit ou l'application rigoureuse du guide de lecture du référentiel national publié par l'administration. En effet, une solide connaissance des fondamentaux de la formation professionnelle, ainsi qu'une compréhension claire des aspects juridiques, administratifs et économiques qui y sont liés, sont essentielles pour tenir compte du contexte spécifique de l'organisme de formation. Il est important de reconnaître que les exigences peuvent varier en fonction du marché et de la nature de la formation—qu'elle soit courte ou longue, standardisée ou personnalisée, certifiante ou non. La conformité d'un organisme ne se limite pas à une simple vérification des éléments de preuve listés dans un guide de lecture. L'auditeur doit être capable de contextualiser les exigences du référentiel en fonction des particularités de l'organisme audité. Cette contextualisation ne serait possible que si l'auditeur disposait d'une compréhension globale du cadre dans lequel évolue le prestataire.

« Certifier » les auditeurs Qualiopi : une évidence ?

Pour garantir que chaque auditeur dispose de ce socle commun, il paraît naturellement évident d'envisager l'instauration d'une certification obligatoire pour exercer en tant qu'auditeur Qualiopi. À première vue, cette proposition semble séduisante, presque évidente dans sa simplicité. Pourtant, derrière cette apparente évidence se cachent des questions opérationnelles complexes, qui touchent autant au rôle de l'État qu'aux dynamiques du marché.

En tant que propriétaire de la marque Qualiopi, l'État est sans conteste le mieux placé pour définir les exigences en matière de certification des auditeurs. Cependant, jusqu'où doit-il s'impliquer dans cette démarche ? Doit-il se limiter à établir un cadre réglementaire général ou aller plus loin en élaborant lui-même un référentiel et en inscrivant la certification des auditeurs Qualiopi dans l'un des deux répertoires gérés par France Compétences ?

Si, au contraire, l'État décidait de déléguer cette mission au marché, une autre dynamique se mettrait en place. Toute personne pourrait alors saisir l'opportunité de créer son propre référentiel de certification des auditeurs Qualiopi, à condition de respecter les critères fixés par l'État. Une telle liberté pourrait favoriser l'adaptation rapide aux besoins du terrain, mais elle pourrait aussi introduire une certaine disparité entre les certifications requises pour devenir auditeur.

Risque de goulets d'étranglement

Un autre enjeu concerne la sélection des prestataires habilités à dispenser la formation préparant à cette certification des auditeurs. Faut-il ouvrir l'accès à tous les organismes ou privilégier une sélection stricte basée sur des critères rigoureux de qualité et d'expertise ? Une sélection trop restrictive pourrait limiter l'offre de formation. Si cette offre s'avère insuffisante pour répondre à la demande croissante des aspirants auditeurs, cela risquerait de freiner le déploiement des audits Qualiopi.

Un autre aspect à clarifier : le financement de cette formation d'auditeur. Pour les auditeurs salariés, les coûts seront naturellement couverts par l'organisme certificateur qui les emploie. En revanche, pour les auditeurs externes, la question reste en suspens : devront-ils supporter ces frais eux-mêmes ? Si tel était le cas, cela pourrait représenter un frein important, réduisant ainsi le nombre d'auditeurs disponibles.

Ainsi, bien que la certification des auditeurs Qualiopi puisse, en théorie, améliorer l'uniformité des pratiques d'audit, cette suggestion nécessite une réflexion approfondie sur les paramètres opérationnels. Son déploiement doit garantir que le système permette de disposer d'un nombre suffisant d'auditeurs certifiés pour assurer une couverture adéquate et éviter les goulets d'étranglement pour les quelque quarante mille prestataires de formation concernés par Qualiopi.

[1] Arrêté du 6 juin 2019 relatif aux exigences pour l'accréditation des organismes certificateurs (art 2)

[2] NF EN ISO/IEC 17065 : « Exigences pour les organismes certifiant les produits, les procédés et les services » (§ 6.1.2)