Fouzi Fethi, responsable du pôle droit et politiques de formation, conférences et formations, à Centre Inffo.
Qualiopi, un gage de qualité pour qui ?
La certification Qualiopi est fréquemment utilisée comme un argument commercial par les organismes de formation. Toutefois, du point de vue des acheteurs, cette certification n'a pas été conçue pour influencer la décision d'achat dans les marchés où elle est obligatoire. C'est ce que Fouzi FETHI, responsable du Pôle droit et politiques de formation, analyse et décortique.
Par Fouzi Fethi - Le 20 mars 2024.
Plus de 40 000 organismes de formation ont obtenu la certification Qualiopi. La question de savoir si c'est trop ou pas assez est un faux débat. Dans un marché, le nombre n'est pas un indicateur pertinent de la qualité. Ce qui compte, c'est la clarté offerte aux acheteurs. En matière de formation, tout comme dans tout autre marché, l'accent doit être mis sur la transparence et la lisibilité pour toutes les parties prenantes, ce qui fait défaut à Qualiopi à l'heure actuelle.
Un prérequis aux yeux des financeurs
Cette certification qualité a été conçue dans l'optique précise de servir de prérequis pour l'obtention de financements publics, plutôt que comme une marque permettant de se différencier sur un marché concurrentiel.
L'accent n'a pas été mis sur la lisibilité, mais sur le bon usage des fonds publics gérés par les financeurs : Opco, Transitions Pro, Caisse des dépôts, Régions, État, France Travail, ou encore Agefiph [1].
En ce sens, Qualiopi agit comme une norme minimale, une condition sine qua non pour accéder à ces financements publics, sans pour autant permettre intrinsèquement de distinguer les organismes par leur qualité propre.
Il appartient ensuite aux financeurs, au-delà de cette certification, de définir des critères spécifiques selon leurs besoins et objectifs particuliers.
Certains d'entre eux, tels que les Régions ou France Travail, disposent de la latitude nécessaire pour définir des critères supplémentaires lors de leurs processus d'achat. Ils ont la possibilité d'élaborer des cahiers des charges spécifiques en tant qu'acheteurs, ce qui leur permet de choisir des prestataires de formation en tenant compte de critères qualitatifs supplémentaires répondant à leurs besoins territoriaux ou sectoriels.
Un critère inopérant pour les acheteurs
Cependant, pour les Opco et la Caisse des dépôts, cette approche n'est pas envisageable car ils agissent en tant que tiers-payants et non pas en tant qu'acheteurs de formation.
Les Opco interviennent dans le domaine de l'apprentissage, tandis que la Caisse des dépôts se concentre spécifiquement sur le compte personnel de formation (CPF). Pour ces deux marchés libéralisés depuis la dernière réforme, il est à noter que ces deux financeurs règlent les factures des prestataires, sans disposer en amont d'une emprise directe sur la décision finale d'achat des formations.
Le choix des formations en apprentissage est dévolu aux aspirants apprentis, à leurs familles, ainsi qu'aux entreprises, lesquelles doivent opérer une sélection parmi des centres de formation d'apprentis (CFA), tous certifiés Qualiopi. De manière similaire, ce sont les titulaires du compte personnel de formation (CPF) qui doivent effectuer leur choix parmi la pléthore d'organismes de formation répertoriés sur la plateforme Mon Compte Formation (MCF), également tous certifiés Qualiopi.
Il en résulte que cette certification, bien qu'elle garantisse un certain niveau de professionnalisme parmi les prestataires, ne suscite aucun intérêt chez ces acheteurs. Elle constitue un simple prérequis pour les prestataires à devenir CFA ou à s'inscrire sur la plateforme Mon Compte Formation. Une fois sur ces marchés, le prestataire affichant cette marque ne génère aucun signal distinctif pour eux.
C'est pourquoi la qualité des prestataires dans le cadre d'un système de tiers-payant doit reposer sur une approche plus globale, qui combine le prérequis de Qualiopi avec des critères différenciants.
Des critères différenciants à construire
Ces critères devront être construits à partir des résultats des formations financées. Cette question des résultats est un sujet sensible qui suscite toujours des débats en France, et à juste titre. L'efficacité d'une formation dépend de multiples facteurs. Elle ne dépend pas que des efforts déployés par le prestataire de formation mais aussi de l'engagement des apprenants. C'est pourquoi, il est nécessaire que ces résultats puissent être exprimés en éléments objectivables.
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a déjà posé quelques fondations. Par exemple, l'introduction du système d'information « InserJeunes », conçu pour recueillir des données issues des CFA : taux d'obtention des diplômes ou titres professionnels, taux de poursuite d'études ; taux d'interruption en cours de formation ; taux d'insertion professionnelle, valeur ajoutée de l'établissement [2]… ; ou encore la remontée des informations par les ministères et les organismes certificateurs sur les personnes détenant des certifications enregistrées au RNCP ou au RS [3].
Une réflexion sur la corrélation entre les résultats des prestataires, le processus d'achat et les modalités de financement est nécessaire. Et, pour qu'un système de qualité soit complet, il doit impliquer toutes les parties prenantes, y compris les financeurs tiers-payants. Pour ces derniers, cela implique un changement de paradigme : passer d'un modèle de financement largement fondé sur la durée de présence des bénéficiaires à un modèle axé sur les résultats escomptés. Un moyen à terme de vérifier si Qualiopi, dont l'objectif est d'attester de la qualité du processus appliqué par les prestataires, a un impact concret sur la qualité des actions financées.
[1] Art. L6316-1 du Code du travail