Convention de stage : attention à la requalification !
Dans une décision du 28 février 2024, les juges de la Cour d'appel de Versailles ont requalifié la relation contractuelle d'une stagiaire avocate en contrat de travail à durée indéterminée.
Par Valérie Michelet - Le 15 avril 2024.
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le principe est ancien (Cour de Cassation, Chambre sociale, du 13 novembre 1996, n° 94-13.187), et régulièrement rappelé par les juges (voir notamment Cour de cassation, Chambre sociale, du 4 mars 2020, n°19-13.31).
En l'espèce, plusieurs éléments permettaient d'écarter la qualification de stagiaire. Cette dernière effectuait la rédaction de divers projets d'actes juridiques (rédaction d'assignation notamment, tel que prévu d'ailleurs dans la convention de stage), et ces tâches étaient réalisées sous la supervision et l'autorité de la personne qui, dans la convention de stage, était désignée comme son tuteur. Elle avait d'ailleurs, à sa demande, effectué pour lui différentes démarches au palais de justice de Paris. Elle avait une amplitude de travail de 35 heures par semaine pour une rémunération de 899 euros par mois, selon les termes de la convention de stage. Enfin, il n'était pas contesté, que le tuteur avait le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la convention de stage devait être requalifiée en contrat de travail. En l'absence de tout contrat de travail à durée déterminée écrit et signé par les parties, cette relation ne pouvait qu'être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet (article L1242-12 du Code du travail).
Les rappels de salaire sont calculés en se fondant sur les minima conventionnels applicables aux avocats salariés.
La rupture du contrat de travail s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée a droit à l'indemnité de requalification ainsi qu'à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
Un autre élément déterminant permet de vider la convention de stage de sa substance : l'absence de formation. Lorsque le stagiaire est intégré dans un service organisé et exécute les tâches normales d'un emploi dans l'entreprise sans bénéficier d'aucune formation, les juges en déduisent qu'un contrat de travail s'est substitué, dès l'origine, au stage (Cour de cassation, chambre sociale, du 27 octobre 1993, 90-42.620 -voir dans le même sens, Cour d'appel de Paris, 13 avril 2021, RG n° 19/02526). Mais le débat dans l'affaire jugée par la Cour d'appel de Versailles était ailleurs : en effet, la convention de stage était nulle par application de l'accord professionnel du 19 janvier 2007 relatif aux stagiaires des cabinets d'avocats, étendu par arrêté du 10 octobre 2007, qui énonce dans son préambule qu'aucune convention de stage ne peut être conclue entre un cabinet d'avocat et une personne titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA). Or, la pseudo stagiaire était bel et bien déjà titulaire du CAPA lorsque la convention de stage a été signée. La relation contractuelle ne pouvait davantage être qualifiée de contrat de collaboration, un tel contrat ne pouvant être conclu qu'avec un avocat ayant prêté serment.
Cour d'appel de Versailles, 28 février 2024, RG n° 21/03105