Critères et montant de modulations des NPEC : pas d'obligation de leur détermination pesant sur le Gouvernement
Telle est la solution du Conseil d'Etat posée dans son arrêt du 24 mai 2024.
Par Eugénie Caillet - Le 27 juin 2024.
Le Conseil d'Etat était invité à se prononcer sur l'existence d'une obligation de détermination, par décret, de critères et d'un montant de modulations de niveaux de prise en charge de contrats d'apprentissage, dans le cas particulier où il existerait d'autres sources de financement public. Un rapport d'information du Sénat datant de 2022, qui revient sur les travaux de la loi « Avenir professionnel » de 2018, souligne que le but poursuivi par cette hypothèse de modulations était de pouvoir atténuer le niveau de prise en charge versé à des organismes de formation publics compte tenu de financements ou avantages matériels dont ils bénéficieraient par ailleurs et qui leur permettraient de réduire les coûts par apprenti. L'adoption – ou non – d'un tel décret n'est donc pas anodine dans le cadre de ce mécanisme du « coût-contrat » et de sa régulation.
Précisément, selon l'article L6332-14, I, 1° du Code du travail dans sa rédaction (identique actuellement) issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 « Avenir professionnel » précitée, les opérateurs de compétences financent, notamment, les contrats d'apprentissage selon des niveaux de prise en charge fixés par les branches en principe. L'article énonce que « les niveaux de prise en charge fixés par les branches peuvent faire l'objet de modulations en fonction de critères et selon un montant déterminés par décret, en particulier lorsque le salarié est reconnu travailleur handicapé ou lorsqu'il existe d'autres sources de financement public ».
Invoquant cette disposition, plusieurs centres de formation d'apprentis ont adressé, le 7 mars 2023, une demande à la Première ministre tendant à ce que soit pris un décret fixant les critères et les montants de la modulation des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage fixés par les branches lorsqu'il existe d'autres sources de financement public. Ils forment par la suite un recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet née du silence gardé.
Leur requête est rejetée. Selon le Conseil d'Etat, « le législateur a entendu confier au pouvoir réglementaire la détermination des critères et montants selon lesquels les niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage fixés par les branches peuvent [souligné par nos soins] faire l'objet de modulations […] Si la loi lui ouvrait la possibilité [au Gouvernement] de prévoir une telle modulation lorsqu'il existe d'autres sources de financement public, elle ne le lui imposait pas, contrairement à ce qui est soutenu », conclut la Haute juridiction.
Comme le relève le Conseil d'Etat, le Gouvernement a saisi cette possibilité de fixer des critères et un montant de modulations des niveaux de prise en charge pour les salariés reconnus travailleurs handicapés. En effet, l'article D6332-82 du Code du travail (modifié) institué par le décret du 28 décembre 2018 relatif aux modalités de détermination des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage prévoit un critère de modulation des niveaux de prise en charge fondé sur la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé de l'apprenti accueilli, et détermine un montant maximum de la majoration pouvant être appliqué à ce titre.
L'avenir dira si un prochain Gouvernement se saisit de cette possibilité de définition des critères et du montant de modulations en présence d'autres sources de financement public.
Conseil d'État, 24 mai 2024, n° 475758, Inédit au recueil Lebon
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Fiche 12-17 : Financement par les opérateurs de compétences (Opco)