Organismes de formation : concurrence déloyale pour non-respect de la règlementation du RGPD
Le non-respect des règles issues du RGPD peut-il entraîner une action en concurrence déloyale ?
Par Valérie Michelet - Le 05 décembre 2022.
Le TGI de Paris a répondu par l'affirmative à cette question dans une décision du 15 avril 2022 (TGI Paris Ct0196, 15 avril 2022, 19/12628).
La décision n'est pas en soit nouvelle : les juges admettent depuis longtemps l'action en concurrence déloyale pour la violation de la loi et du règlement (Cass. com., 1er décembre 1987, n°86-14.164, publié au bulletin). Les pratiques consistant à « s'affranchir d'une réglementation, dont le respect a nécessairement un coût, tous actes qui, en ce qu'ils permettent à l'auteur des pratiques de s'épargner une dépense en principe obligatoire, induisent un avantage concurrentiel indu » (Cass. com. 12 février 2020, 17-31.614, Publié au bulletin). Pour les juges, « il s'infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, de tels actes, même limités dans le temps » (Cass. Com. 17 mars 2021, 19-10.414, Inédit). Même sans perte de chiffre d'affaires ou de clientèle, la violation ou le non-respect d'une obligation cause un préjudice de principe. De « tels agissements (apportent) une distorsion dans le jeu de la concurrence afférente au marché » concerné (Cass. com. 21 janvier 2014, 12-25.443, Inédit). Ainsi « constitue un acte de concurrence déloyale le non-respect d'une réglementation dans l'exercice d'une activité commerciale, qui induit nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur » (Cass. Com. 17 mars 2021, prec.).
Ont été considérés comme des actes de concurrence déloyale par manquement à la loi :
- les pratiques commerciales trompeuses (Cass. com. 12 février 2020 préc.) ;
- l'exercice d'une activité sans les autorisations requises par les textes (Cass. com., 1er décembre 1987 prec.).
C'est la première fois à notre connaissance que les juges se prononcent sur la concurrence déloyale d'une entité ne respectant pas le RGPD. A déjà été jugé constitutif d'un acte de concurrence déloyale, le manquement aux articles 6-III-1 c) et d) de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économique numérique qui imposent aux personnes dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne de mettre à disposition du public un certain nombre de mentions dites « légales », (TGI de Paris, ordonnance de référés du 21 novembre 2017).
Dans l'affaire soumise aux juges du TGI, il était reproché par une société le non-respect par son concurrent de la réglementation applicable à un site internet marchand (mentions obligatoires), le droit de la consommation (notamment la mention relative au médiateur de la consommation) et la règlementation relative à la protection des données personnelles. La société relevait en effet que son concurrent procédait à une collecte de données à caractère personnel portant notamment sur le nom, l'e-mail et le numéro de téléphone des personnes concernées sans fournir aucune information sur les conditions de ce ou ces traitements et en se limitant en réalité à un paragraphe d'information dans l'onglet « mentions légales ».
Les juges rappellent dans leur décision du 15 avril 2022 "qu'il incombe à tout responsable de traitement ou sous-traitant d'assurer la confidentialité et la sécurité des données personnelles collectées et traitées, c'est-à-dire de veiller à ce que ces données ne soient ni altérées ni communiquées à des tiers non autorisés". Or, au cas d'espèce, s'il était indiqué dans l'onglet « mentions légales » du site internet de la société concurrente que les informations enregistrées étaient uniquement réservées à l'usage du service concerné et ne pouvaient être communiquées à des sociétés tierces, aucune charte de confidentialité n'était cependant mise à la disposition du public, le lien dédié renvoyant en réalité à une page d'erreur comme cela ressortait du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 25 janvier 2019.
C'est "au regard de l'ensemble de ces éléments et dans la mesure où tout manquement à la réglementation dans l'exercice d'une activité commerciale induit nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur" qu'il jugent que la société concurrente s'est rendue coupable d'acte de concurrence déloyale au préjudice de la demanderesse.
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