Refuser de suivre une formation est constitutif d'une faute !

Une décision de la Cour d'appel de Paris du 15 novembre 2023 rappelle que le refus du salarié de partir en formation peut constituer une insubordination.

Par - Le 04 mars 2024.

Il est de jurisprudence constante (Cass. soc. 3 décembre 2008 n°07-42196 - Cass. soc. 5 décembre 2007 n°06-42905 - Cass. soc. 20 juin 2001, n°99-44378) que l'employeur peut, dans le cadre de son pouvoir de direction décider de former un salarié. Néanmoins, l'employeur est lié par les termes du contrat de travail du salarié lorsqu'il décide de l'envoyer en formation.

Au cas d'espèce, un salarié est convoqué à deux formations, payées par son employeur, aux fins d'obtention du permis D et de FIMO Voyageurs. Le salarié refuse de se rendre à ces formations. L'employeur qualifiant ce refus d'insubordination le licencie pour faute grave.

Le salarié soutenait qu'il n'avait pas refusé de suivre la formation proposée mais que son refus était consécutif à l'absence de réponse à ses questions relatives au déroulement du stage, à sa durée exacte, son mode de financement, son éventuelle participation financière et surtout, qu'il ne lui avait pas été présentées les conditions dans lesquelles il serait amené à travailler avec ses nouvelles qualifications (charge de travail, rémunération, modification du contrat de travail...). Son refus devait s'analyser en un refus légitime d'une modification de son contrat de travail puisque cette formation n'entrait pas dans le champ de l'exécution de son contrat de travail.

Il n'est pas suivi par les juges.

Ces derniers rappellent que la volonté de l'employeur de faire suivre une formation à l'un de ses salariés ne peut excéder le contenu du contrat. La formation proposée doit être liée à la qualification contractuelle du salarié. À défaut, celui-ci est en droit de refuser de l'effectuer (Soc. 30 nov. 1977, no 76-40.844). Or, compte tenu de la qualification contractuelle de 'conducteur scolaire' du salarié, (qui laisse penser qu'un véhicule, de type minibus, pouvant transporter plus de 9 passagers, pouvait être conduit), sans mention du type de véhicule effectivement utilisé, l'employeur pouvait, pour les juges, sans excéder le contenu du contrat de travail, imposer à son salarié de suivre la formation de permis D et la FIMO Voyageurs.

Le comportement du salarié caractérise donc une insubordination. Cette qualification s'explique par le fait que l'envoi en formation constitue une modalité de l'exécution du contrat de travail (Cass. soc., 13 févr. 2008, no 06-43.785) [ 1 ]1- Il existe cependant des exceptions légales à ce principe, comme le suivi d'une formation en dehors du temps de travail qui ne peut être imposé au salarié (Art. L 6321-6 du Code du travail). Par ailleurs, le salarié peut refuser une formation s'il prouve une atteinte à ses droits (exemple, une discrimination) ou des obligations familiales impérieuses qui ne lui permettent pas de suivre la formation (exemple, un éloignement géographique, un délai de prévenance trop bref pour lui permettre de s'organiser. Il faut toutefois qu'il s'agisse d' « une formation décidée (...) dans l'intérêt de l'entreprise » (Cass. soc., 3 déc. 2008, no 07-42.196 - Cass. soc., 3 mai 1990, no 88-41.900).

Il a été jugé que constitue une insubordination justifiant un licenciement pour cause réelle et sérieuse, le refus d'un salarié de participer à une formation dès lors que cette formation est :

  • destinée à adapter l'intéressé aux évolutions technologiques de son emploi, constitue une modalité d'exécution du contrat de travail et répond à l'intérêt de l'entreprise ( soc. 3 décembre 2008 n°07-42196).
  • nécessaire pour permettre d'assurer la sécurité de l'agent et des voyageurs, était imposé à tous les salariés revenant d'une longue absence et amenés à exercer des fonctions de terrain et, que les éléments médicaux produits par le salarié ne confirmaient pas l'existence chez lui, au moment où la formation lui a été proposée, d'une pathologie cardiaque contre-indiquant le suivi de cette formation ( Soc. 29 septembre 2014, n°12-28.679).

Il en va de même lorsque le salarié a « interrompu une formation d'adaptation mise en place par son employeur » (Cass. soc., 13 févr. 2008, no 06-43.785).

Pour pouvoir refuser de suivre une action de formation décidée par l'employeur sans commettre de faute, il faut donc que le salarié puisse démontrer :

  • soit un motif légitime (une contre-indication médicale par exemple, Cass. Soc. 29 septembre 2014 précitée) ;
  • soit l'absence de lien entre la formation et sa qualification contractuelle (Cass. Soc. 30 nov. 1977, no 76-40.844).

En revanche, si le comportement du salarié présente un caractère fautif, la Cour de cassation précise qu'il ne constitue pas nécessairement une faute grave. Il faut en effet, pour que la faute grave soit caractérisée, que le comportement du salarié rende impossible son maintien dans l'entreprise (Cass. soc., 5 déc. 2007, no 06-42.904). Ce sera ainsi le cas si « malgré les mises en demeure réitérées de son employeur, la salariée avait persisté dans son refus de réintégrer la formation » (Cass. soc., 13 févr. 2008, no 06-43.785).

Cour d'appel de Paris - Pôle 6 - Chambre 4 - 15 novembre 2023, n° 20/08476

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Pour aller plus loin (accès abonnés) - Fiche 26-8 : Refus du salarié de partir en formation

Notes   [ + ]

1. 1- Il existe cependant des exceptions légales à ce principe, comme le suivi d'une formation en dehors du temps de travail qui ne peut être imposé au salarié (Art. L 6321-6 du Code du travail). Par ailleurs, le salarié peut refuser une formation s'il prouve une atteinte à ses droits (exemple, une discrimination) ou des obligations familiales impérieuses qui ne lui permettent pas de suivre la formation (exemple, un éloignement géographique, un délai de prévenance trop bref pour lui permettre de s'organiser.