Formation professionnelle et apprentissage : la réforme entre dans sa phase de mise en œuvre
Par Catherine Trocquemé - Le 30 août 2018.
La loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a été définitivement adoptée par le Parlement le 1er août. À ce jour examinée par le Conseil constitutionnel, elle va être promulguée d'ici à la mi-septembre au plus tard. Le titre 1 modifie en profondeur le système de la formation et de l'apprentissage : 70 décrets et arrêtés sont attendus. La plupart seront publiés avant fin 2018.
Après neuf mois de concertation avec les partenaires sociaux, d'échanges avec les professionnels du secteur et de débats parlementaires, la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage va voir le jour. Adoptée définitivement par le Parlement le 1er août, la loi « Avenir professionnel » doit encore obtenir la validation du Conseil constitutionnel avant d'être promulguée. Mais le ministère du Travail prévient que la moitié du chemin reste à faire : « Tout va se jouer dans l'exécution et l'appropriation de la réforme par les acteurs. »
Libéralisation du marché de l'apprentissage
Auparavant aux mains des Régions, l'apprentissage sera désormais piloté par les branches professionnelles. Elles seront impliquées dans la construction des diplômes et fixeront le coût des contrats d'apprentissage. Ce nouveau mode de financement au contrat s'accompagne d'une libéralisation du marché. Tout organisme de formation pourra à l'avenir ouvrir un centre de formation d'apprentis (CFA) sous réserve d'obtenir la certification prévue par la loi. Les CFA devront donc repenser leur modèle économique. En adaptant ainsi l'apprentissage aux besoins des entreprises, en assouplissant les règles d'accès et le recrutement des jeunes, le gouvernement a pour ambition de développer massivement ce mode de formation.
L'individualisation du droit à la formation
En ce qui concerne la formation professionnelle, la réforme va offrir davantage d'autonomie aux actifs. L'individualisation du droit à la formation, pierre angulaire de la réforme, repose sur un compte personnel de formation (CPF) rénové et monétisé à hauteur de 500 euros par an. Via une application mobile, chacun pourra décider, sans intermédiaire, de son parcours de formation. Toutefois, la loi prévoit la possibilité d'être accompagné. Le conseil en évolution professionnelle (CEP) sera délivré aux salariés par de nouveaux opérateurs sélectionnés par appel d'offres.
France Compétences, cœur du réacteur
Comme annoncé par le gouvernement, le "big bang" aura bien lieu. La gouvernance, revisitée et simplifiée, sera confiée au niveau national à France Compétences. Pivot du système, cette nouvelle instance représentant l'État, les Régions et les partenaires sociaux, aura pour mission de redistribuer les fonds collectés par les Urssaf, de réguler la qualité et les prix des formations, ou encore de gérer le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). De leur côté, les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) sont amenés à se restructurer. Rebaptisés opérateurs de compétences, ils perdront la collecte pour se concentrer sur l'alternance, la gestion des compétences et l'accompagnement des TPE-PME.
Soixante-dix décrets et arrêtés attendus
Pour tous ces acteurs, il s'agit d'une révolution culturelle. À l'horizon 2021, le nouveau système devra être totalement opérationnel. Et l'année 2019 sera particulièrement décisive. De source DGEFP, 70 décrets et arrêtés sont attendus, et la plupart seront publiés d'ici à la fin de l'année. Mise en place de la direction de France Compétences, répartition de la collecte par dispositifs, conditions d'agrément des opérateurs de compétences, ou encore conversion des crédits d'heures du CPF en euros… : autant de précisions attendues par les professionnels pour se mettre en ordre de marche.
Conscient des ruptures liées à sa réforme, le ministère du Travail restera très impliqué pendant cette période de transition. Avant la création de France Compétences prévue au 1er janvier 2019, « une instance de préfiguration sera mise en place », précise l'entourage de Muriel Pénicaud. Selon ces sources, un directeur général et un président seront prénommés. Objectif : faire en sorte que les différentes parties prenantes commencent à travailler ensemble.
Par ailleurs, le ministère du Travail prévoit de mettre en ligne des outils afin d'accompagner les acteurs dans la création et le développement d'un CFA ou encore dans la construction des diplômes.
Étant donnés les enjeux, le gouvernement veillera à la bonne exécution de la réforme. La loi lui en donne les moyens. Ainsi, en cas de défaillance d'un opérateur de compétences, ou simplement de retard de paiement des CFA, il pourra nommer un administrateur provisoire. Les acteurs doivent donc s'attendre à rendre des comptes.