L'accompagnement des individus, facteur déterminant pour la réussite de la réforme de la formation
Par Estelle Durand - Le 18 mai 2018.
L'audition organisée le 16 mai par la commission des affaires sociales du Sénat a permis de faire émerger des points de vigilance et d'identifier des compléments à apporter au projet de loi qui va réformer la formation professionnelle et l'apprentissage. L'accompagnement des personnes et les possibilités d'abondement du compte personnel de formation en font partie.
Les sénateurs membres de la commission des affaires sociales auditionnaient mercredi 16 mai des représentants de l'Opca interprofessionnel Agefos-PME ainsi que le consultant Jean-Marie Luttringer. Leurs interventions ont mis en lumière plusieurs sujets sensibles.
La formation n'est pas un produit qu'on achète sur étagère. Cela suppose un projet, une réflexion préalable.
La rénovation du compte personnel de formation doit permettre d'accorder davantage d'autonomie aux individus dans l'évolution de leurs compétences. « La formation n'est pas un produit qu'on achète sur étagère. Cela suppose un projet, une réflexion préalable », rappelle Jean-Marie Luttringer. L'accompagnement sera donc déterminant, selon lui : « Si cette fonction n'est pas construite correctement, avec des moyens dédiés et du professionnalisme, il y a un risque réel d'échec de l'opération. » Cette prestation en amont est essentielle pour les personnes qui ont été en rupture avec le système éducatif et qui n'ont pas le réflexe formation, comme l'évoque Céline Schwebel, présidente d'Agefos-PME. « Le conseil en évolution professionnelle devrait probablement constituer un préalable pour un certain nombre de personnes afin de les aider à trouver une orientation », précise-t-elle.
Abondement du CPF
Se pose aussi la question du niveau de droit alloué aux individus. In fine, le système va conduire les individus à contribuer davantage au financement de leur formation, estime Jean-Marie Luttringer. Ce qui représente un changement culturel et interroge sur l'égalité d'accès à la formation. D'autant que comme le souligne le consultant, aucune incitation fiscale n'est prévue. Certes, différents systèmes d'alimentation complémentaire du CPF sont prévus. Mais pour Joël Ruiz, directeur général d'Agefos-PME, ces possibilités de cofinancement et d'abondement devraient être renforcées dans le projet de loi.
On renvoie aux entreprises le financement de leurs besoins en formation, alors qu'avant elles en avaient une partie qui était mutualisée
Le texte favorise l'autonomie des individus mais fait aussi bouger les lignes du côté des entreprises. Comme le rappelle Jean-Philippe Maréchal, vice-président d'Agefos-PME, le système actuel organise la mutualisation du financement du plan de formation des entreprises de plus de 300 salariés. Dans le projet de loi, la mutualisation ne concerne que les entreprises de moins de 50 salariés. « On renvoie aux entreprises le financement de leurs besoins en formation, alors qu'avant elles en avaient une partie qui était mutualisée. » Pour lui, le projet de loi marque aussi « une rupture dans la logique de co-construction ». Un dialogue qu'il va falloir « redynamiser par des politiques de branches ».
Coordination territoriale
Le projet de loi maintient les obligations des entreprises en matière d'employabilité de leurs salariés. Mais plusieurs dispositions pourraient être précisées ou renforcées, estime Jean-Marie Luttringer. Le consultant évoque notamment l'entretien professionnel tous les deux ans. En cas de manquement à cette obligation, seuls les employeurs de plus de 50 salariés sont sanctionnés. « Une situation anormale », selon le consultant.
Sur le plan de l'organisation du système, la gouvernance au niveau national est recomposée. En revanche, « la coordination au niveau territorial » constitue, selon Joël Ruiz, « un angle mort du projet de loi ». La réforme va par ailleurs renforcer le rôle des branches professionnelles, une restructuration déterminante dans la réussite de la réforme pour Jean-Marie Luttringer.