Du « social-delorisme » au « social-macronisme » : entre continuité et rupture (chronique de Jean-Marie Luttringer)

Par - Le 21 mars 2018.

La réforme de la formation professionnelle portée par Emmanuel Macron s'inscrit-elle dans la continuité de la Loi Delors du 16 juillet 1971 ? C'est à cette question que propose de répondre Jean-Marie Luttringer, dans une chronique datée du 13 mars 2018 et publiée sur le site Internet de JML Conseil. Si le consultant note des points communs en ce qui concerne la vision de la place de la formation continue dans la société, les deux approches diffèrent, selon lui, par « les principes et les modalités d'organisation et de financement ».

La personne au centre du processus

Les deux visions accordent « un rôle central [...] à la personne dans les processus de formation permanente », dit-il, et ce malgré des contextes très différents. La première « exprime la quête d'autonomie » au lendemain de mai 68, dans une société marquée par le plein emploi. La seconde place au centre la lutte contre le chômage de masse et les défis de la mondialisation. « La référence à l'éducation permanente a disparu. Elle est remplacée par celle de sécurisation des parcours professionnels qui est en quelque sorte la traduction gestionnaire de celle de Flexisécurité, qui est la nouvelle doxa européenne de gestion du marché du travail », écrit le consultant.

Pour autant, Jean-Marie Luttringer note que si la loi de 1971 donne la part belle aux partenaires sociaux, lesquels assurent la gestion paritaire des fonds de la formation professionnelle, le « social-macronisme » rebat les cartes.

Recentrage sur l'entreprise et les branches

D'une part, celui-ci fait le pari de l'usage du compte personnel de formation (CPF) par toute personne, quel que soit son statut, son niveau de formation et d'expérience. D'autre part, il réaffirme la place de l'État, tout en réduisant l'influence de la gestion et de la gouvernance paritaire au niveau interprofessionnel, national et régional, « alors que dans le même temps la place de la négociation collective et du dialogue social d'entreprise se trouve accrue ». « La négociation collective de branche a, elle aussi, vocation à être consolidée, en particulier par le processus de regroupement des branches d'ores et déjà engagé », ajoute le consultant.

Jean-Marie Luttringer fait valoir que pour que ce « big-bang »[ 1 ]Expression utilisée par Muriel Pénicaud le 5 mars 2018 pour annoncer la réforme de la formation professionnelle du gouvernement.  soit couronné de succès, plusieurs obstacles devront être surmontés. Concernant le CPF, il alerte notamment sur un risque de « plafond de verre » du financement auquel se heurteront les salariés et les demandeurs d'emploi, et qui « posera nécessairement la question de la contribution financière des apprenants ». Il évoque également les dangers « d'une dérive consumériste » de la formation tout au long de la vie induite par la personnalisation du droit et son mode de financement. En ce qui concerne la nouvelle organisation du dialogue social, écrit-il, « les employeurs ainsi que les organisations patronales au niveau des branches devront loyalement jouer le jeu, ce qui, à bien des égards, reste à démontrer ».

Notes   [ + ]

1. Expression utilisée par Muriel Pénicaud le 5 mars 2018 pour annoncer la réforme de la formation professionnelle du gouvernement.