Loi avenir professionnel : « 25 à 30 décrets d'application publiés au 1er janvier 2019 » (Carine Chevrier, DGEFP)
Par Estelle Durand - Le 12 décembre 2018.
Où en est le travail d'élaboration des décrets du volet formation professionnelle et apprentissage de la loi du 5 septembre 2018 ? De quelle manière l'administration tient-elle compte des remarques et propositions formulées en Cnefop ? Quel est le résultat de la « mission flash » sur la dotation allouée aux Régions en faveur de l'apprentissage ? Le Quotidien de la formation a posé ces questions et quelques autres à Carine Chevrier, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle.
Le Quotidien de la formation : Où en est le travail d'élaboration des décrets du volet formation professionnelle et apprentissage de la loi du 5 septembre 2018 ?
Carine Chevrier : Le projet de loi a été élaboré et examiné dans un calendrier serré. Après la promulgation de la loi, nous avons maintenu un rythme soutenu pour la production des décrets afin de garantir aux acteurs un cadre juridique clair sur le plan législatif et réglementaire.
Tous les décrets – soit 25 à 30 textes - nécessaires au fonctionnement de la formation professionnelle et de l'apprentissage au 1er janvier 2019 et à la visibilité des acteurs, notamment en matière d'apprentissage, seront publiés pour le 31 décembre 2018.
Aujourd'hui, le nouveau décor est planté s'agissant tant des dispositifs de formation, des structures, de l'environnement (certification, qualité, financement) ainsi que des mesures transitoires.
Que ce soit pour les textes qui supportent des mesures entrant au 1er janvier 2019 ou les textes structurants du modèle de 2020, tous les décrets prévus seront bien passés fin 2018. En anticipant ces derniers, l'idée est bien de faciliter la mise en œuvre des mesures et de permettre aux acteurs concernés de s'organiser.
QDF : Plusieurs projets de décrets examinés au Cnefop ont suscité des remarques et propositions. Sont-elles prises en compte ?
C. C : Les conseils pléniers du Cnefop sont des temps de consultation. Certains projets de décrets ont en effet été modifiés au vu des éléments apportés dans ce cadre. C'est le cas du texte sur les modalités de démission des apprentis et sur le rôle du médiateur qui a été clarifié.
Par ailleurs, concernant le projet de décret relatif à France compétences, il y a eu débat sur le rôle du directeur général, celui du conseil d'administration et sa composition.
Un point a été précisé : la définition et l'organisation des commissions font bien partie des compétences du conseil d'administration. Il a aussi été demandé d'augmenter le nombre de séances du conseil d'administration. Il se réunira au minimum six fois par an au lieu de trois.
QDF : Quel est le rôle de la DGEFP dans la mise en œuvre de la réforme ?
C. C : Pour que la transformation soit réelle, nous devons apporter de la visibilité aux acteurs. C'est ce que nous avons fait dès le mois d'octobre en publiant des notes du ministère du Travail sur la procédure d'agrément des opérateurs de compétences et sur le financement des centres de formation d'apprentis (CFA).
De nouveaux CFA pourront se créer dès 2019, il est important que les acteurs puissent déployer leur offre.
Ce travail d'organisation de la mise en œuvre de la loi passe aussi par la mise en place de 11 chantiers de transformation, de groupes de travail avec les acteurs (CFA, branches professionnelles, Opca, organismes de formation, entreprises, apprentis, Fongecif) et de supports de communication qui seront lancés prochainement sur des sujets concrets : comment créer un CFA en tant qu'entreprise, qu'est-ce que le nouveau dispositif de reconversion ou promotion par l'alternance (Pro-A), etc.
QDF : Sur quels sujets portent les groupes de travail ?
C. C : Un groupe de travail conjoint DGEFP /instance préfiguratrice de France Compétences a été par exemple créé pour échanger en lien avec les branches sur les niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage.
L'objectif est de s'assurer que les branches sont en mesure de faire leurs propositions avant le 1er février 2019 et que France Compétences puisse exercer pleinement son pouvoir de recommandation entre le 1er février et le 1er avril 2019.
Nous échangeons aussi avec les CFA qui se posent des questions sur des problématiques très concrètes ou encore avec les représentants des prestataires de formation, des financeurs et les certificateurs afin d'élaborer le futur référentiel national de qualité. Nous avons aussi lancé un comité de pilotage concernant le transfert de la collecte à l'Urssaf.
QDF : Le calendrier prévu pour l'agrément des opérateurs de compétences est-il maintenu ?
C. C : Le cadre et le mode opératoire de la mise en place des opérateurs de compétences ont été fixés dès septembre 2018 par le rapport Marx/Bagorski et la lettre circulaire publiée par le ministère du Travail. Les demandes d'agrément des opérateurs de compétences et les désignations par les branches de leur opérateur doivent se faire avant le 31 décembre 2018. Entre le 1er janvier et le 31 mars 2019, suivra une phase d'instruction des dossiers avec éventuel réajustement en vue d'émettre les agréments définitifs le 1er avril 2019. Ces dates sont extrêmement importantes pour la suite. Après la constitution des opérateurs de compétences, il y aura toute la phase de déploiement de leur offre de services notamment en matière d'alternance. C'est un enjeu majeur de l'année 2019.
QDF : Comment travaillez-vous avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ?
C. C : La Caisse des dépôts et consignations (CDC) a un rôle majeur puisqu'elle porte la gestion des droits à la formation et le système d'information associé. À partir du 1er janvier 2020, elle sera l'interlocutrice unique du compte personnel de formation (CPF). Elle sera gestionnaire d'un droit à la formation qui concerne potentiellement 30 à 35 millions d'actifs, le CPF étant accessible à toutes les personnes âgées de 16 ans et plus (et par dérogation, aux jeunes âgés de 15 ans ayant signé un contrat d'apprentissage) jusqu'au départ en la retraite, et aux bénévoles travaillant au sein d'associations. Et ce droit est, je le rappelle, universel : salariés de droit privé, agents publics, travailleurs indépendants, demandeurs d'emploi peuvent en bénéficier. La CDC a aussi en charge l'application mobile qui permettra dès l'automne 2019, à chaque actif de mobiliser ses droits et de s'inscrire à une formation. Créer un outil facile d'accès, lisible et ergonomique représente un enjeu majeur. Le travail avec cet opérateur est dense et associe l'ensemble des acteurs concernés, en premier lieu, les organismes de formation volontaires mobilisés dès le 8 novembre dernier, selon un mode de pilotage par les délais avec une exigence de qualité forte sur le volet application comme pour le système de gestion.
QDF : Le ministère du Travail a confié à la DGEFP une « mission flash » sur la dotation qui sera allouée aux Régions en faveur de l'apprentissage. Quel est le résultat ?
C. C : Outre leur mission en amont en matière d'orientation, les Régions interviendront en matière de financement des CFA à deux niveaux : elles disposeront, d'une part, d'une dotation qui sera évaluée sur la base des investissements qu'elles auront réalisés sur la période 2017-2019 ; elles complèteront, d'autre part, la prise en charge des contrats dans une logique d'aménagement du territoire ou de développement économique. Le montant de cette seconde enveloppe a fait débat, d'où le lancement d'une « mission flash » auprès de deux Régions en vue d'objectiver une méthode de calcul et de sécuriser les acteurs au printemps dernier. Huit régions sont aujourd'hui concernées par cette étude. Le décret fixant le montant de la dotation sera publié au premier trimestre 2019.
QDF : Quel est le rôle de la DGEFP par rapport au plan d'investissement dans les compétences (PIC) ?
C.C : Un directeur de projet a été nommé, en octobre 2017, au sein de la DGEFP, pour assurer le déploiement du PIC en s'appuyant sur les équipes internes, centrales comme celles des Dirrecte.
Il s'agit d'une mission de maitrise d'ouvrage pour le compte du du Haut-Commissaire aux compétences et à l'inclusion par l'emploi et de la Ministre du travail.
Au total, 40 à 50 personnes sont mobilisées en mode projet sur le PIC au sein de la DGEFP, pour l'élaboration, le suivi et le déploiement des programmes nationaux et des Pactes régionaux négociés entre les conseils régionaux et les Préfets de région. Un lab dédié aux expérimentations et aux innovations soutient au sein de la DGEFP l'ensemble des démarches.