L'ouverture du compte personnel de formation aux travailleurs non salariés « exige des clarifications » (Jean-Marie Luttringer, consultant)
Par Aurélie Gerlach - Le 12 juin 2018.
« L'ouverture d'un compte personnel de formation au bénéfice des travailleurs non salariés, au nom du principe d'“universalité ", par le transfert de tout ou partie de leurs “cotisations" sur un CPF géré par la Caisse des dépôts et consignations, identique à celui des travailleurs salariés, n'a manifestement pas été pensée » dans le cadre de la réforme, écrit le consultant Jean-Marie Luttringer dans une chronique publiée en juin 2018.
Pour lui, la « vocation universelle » du CPF, confirmée par le projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », exige des clarifications. « Si le caractère obligatoire du financement pour les salariés renvoie à l'idée de protection de leur droit à la formation professionnelle, le principe se trouve renversé pour les travailleurs non salariés qui n'ont nul besoin de cette protection puisqu'ils sont leurs propres maîtres », développe-t-il.
Des ressources qui ne relèvent pas du régime fiscal
La question juridique centrale, poursuit Jean-Marie Luttringer, est celle de l'affectation des ressources actuellement gérées par des Faf (Fonds d'assurance formation) de non-salariés, au CPF géré par la Caisse des dépôts et consignations. Selon le consultant, le transfert ne peut « résulter d'une disposition législative, sans l'accord préalable des organisations professionnelles concernées ». De par la loi, écrit-il, ces ressources « n'ont pas le caractère fiscal qui est celui de la contribution des employeurs au bénéfice de leurs salariés » et « ne sauraient être rendues fongibles, ni entre elles, ni avec celles des différentes catégories de travailleurs non salariés et celles des travailleurs salariés ».
À cela s'ajoute la problématique de la viabilité économique du CPF pour les non-salariés – ils cotisent en moyenne 100 euros par an. L'effectivité de leurs droits à la formation ne pourrait donc passer que par une « taxe visant à les obliger à se former », ce qui ne serait « guère conforme à l'ambition affirmée par le projet de loi ».