Fiche 23-2 : Entretien bisannuel
Fiche mise à jour le 08 novembre 2024
23-2-1 Bénéficiaires de l’entretien : tout salarié
Tous les deux ans (sauf accord collectif d’entreprise ou de branche prévoyant une périodicité différente), les entreprises, quel que soit leur effectif, doivent mettre en place un entretien professionnel avec chacun de leurs salariés. Peu importe la durée et le type du contrat de travail qui lie le salarié avec l’entreprise. Il peut s’agir d’un contrat à durée indéterminée, d’un contrat à durée déterminée, d’un contrat d’apprentissage, d’un contrat de professionnalisation ou encore d’un parcours emploi compétences. Toutefois, compte tenu de la périodicité des entretiens, il est peu probable que les salariés sous contrat à durée déterminée soient dans les faits réellement concernés.
Art. L6315-1 du Code du travail
Loi n° 2019-486 du 22.5.19 (JO du 23.5.19), art. 11, modifié
Dans le cas d’une convocation à un entretien respectant cette périodicité bisannuelle mais sans réalisation effective de l’entretien à la date anniversaire pour cause d’absence du salarié, il appartiendra au juge d’apprécier au cas d’espèce cet état de fait et ses conséquences.
Questions-Réponses du ministère du Travail, mise à jour du 30.9.22
Jurisprudence
Il a été décidé par les juges du fond que contrairement à ce que soutient l’employeur, il est inopérant pour lui de soutenir que l’entretien était inutile au vu de la taille de l’entreprise et de l’absence de perspective d’évolution professionnelle de la salariée dans la mesure où l’entretien est obligatoire et où aucune exception légale n’est prévue.CA Poitiers du 25.1.23, n° 21-00440
23-2-2 Modification de la périodicité par accord collectif
Un accord d’entreprise ou, à défaut, de branche peut prévoir une périodicité différente. Toutefois, la périodicité sexennale de l’entretien d’état des lieux (voir FICHE 23-3) doit, quant à elle, toujours être respectée.
Quand un tel accord est conclu, il s’applique, sauf stipulation contraire, pour l’ensemble du cycle d’entretiens en cours et pour les cycles suivants. Ainsi, les conditions d’application de l’abondement correctif du CPF s’apprécieront au regard des nouvelles règles de périodicité fixées dans l’accord à la fin de la période de six ans, même si ces règles ont été adoptées pendant le cycle d’entretiens.
Questions-Réponses du ministère du Travail, mise à jour du 30.9.22
Dans le groupe Essec, l’entretien est proposé tous les ans, avec au minimum la réalisation d’un entretien professionnel tous les six ans pour chaque collaborateur.Accord relatif à la promotion de l’évolution professionnelle du 7.3.23
Dans les entreprises du groupe Euromedis, la périodicité de l’entretien à deux ans est apparue inadaptée. Ainsi, la périodicité de l’entretien professionnel a été fixée à un entretien tous les trois ans.
Accord d’entreprise relatif aux entretiens professionnels du 4.10.22
23-2-3 Entretiens après certains retours dans l'entreprise
La périodicité de l’entretien bisannuel peut se trouver perturbée par l’obligation qui est faite à l’employeur de proposer systématiquement un entretien professionnel dans certains cas, notamment lorsque les salariés ont eu une longue période d’absence de l’entreprise.
Les employeurs doivent organiser un entretien professionnel après :
– un congé de maternité ;
Art. L1225-27 du Code du travail
– un congé parental d’éducation total ou partiel ;
Art. L1225-57 du Code du travail
Loi n° 2014-873 du 4.8.14 (JO du 5.8.14), art. 12
– un congé d’adoption ;
Art. L1225-46-1 du Code du travail
– un congé de proche aidant : l’entretien doit aussi avoir lieu avant le congé ;
Art. L3142-23 du Code du travail
– un congé de solidarité familiale : l’entretien doit aussi avoir lieu avant le congé ;
Art. L3142-11 du Code du travail
Loi n° 2016-1088 du 8.8.16 (JO du 9.8.16), art. 33
– un arrêt pour longue maladie ;
Art. L6315-1 du Code du travail
Loi n° 2019-486 du 22.5.19 (JO du 23.5.19), art. 11, modifié
– un congé sabbatique ;
Art. L3142-31 du Code du travail
– une période de mobilité volontaire sécurisée en dehors de l’entreprise ;
Art. L1222-14 du Code du travail
– un mandat syndical.
Art. L6315-1 du Code du travail
Loi n° 2019-486 du 22.5.19 (JO du 23.5.19), art. 11, modifié
Aucun délai n’est imposé entre le retour du salarié dans l’entreprise et la tenue de l’entretien. Cet entretien peut avoir lieu à l’initiative du salarié, à une date antérieure à la reprise de poste.
Art. L6315-1 du Code du travail
Loi n° 2019-486 du 22.5.19 (JO du 23.5.19), art. 11 modifié
Jurisprudence
Il ne résulte ni de l’article L1225-27 du Code du travail (obligation pour l’employeur de proposer un entretien professionnel après un congé de maternité), ni de l’article L1235-3-1 du même Code (cas de nullité du licenciement), que l’absence d’organisation de l’entretien professionnel après un congé de maternité pourrait être, à elle seule, une cause de nullité d’un licenciement ultérieurement prononcé.
Cass. soc. du 7.7.21, n° 21-70.011
Une cour d’appel rappelle qu’au retour d’un salarié suite à un arrêt dû à une affection de longue durée, l’employeur doit lui proposer un entretien professionnel.
CA Nîmes du 7.3.23, n° 20-02570
Par ailleurs, il a été jugé que la tenue par l’employeur de l’entretien professionnel plus de cinq semaines après la reprise de la salariée de retour de congé maternité n’est pas tardive et est intervenu dans « un délai raisonnable », permettant à la salariée de reprendre son activité et de faire notamment le point sur la formation qui lui était éventuellement nécessaire.
CA Versailles du 5.7.23, n° 21-02431
23-2-4 Contenu de l'entretien
Un contenu a minima peut être déduit des dispositions législatives ou réglementaires. L’employeur devra, pour des questions de traçabilité, être en mesure de prouver que les différents thèmes ont été vus avec le salarié. L’entretien donne d’ailleurs obligatoirement lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié.
Art. L6315-1 du Code du travail
Loi n° 2019-486 du 22.5.19 (JO du 23.5.19), art. 11 modifié
Sujets communs à aborder
La définition de l’entretien précise qu’il est consacré aux perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. L’employeur doit donner des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience, à l’activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l’employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle. Art. L6315-1 du Code du travail
Loi n° 2019-486 du 22.5.19 (JO du 23.5.19), art. 11 modifié
Les perspectives
Dans son sens figuré, une perspective est un événement éloigné mais probable. L’objet de l’entretien est donc tourné vers un avenir incertain certes mais qu’il est raisonnable d’imaginer. L’énoncé d’une simple probabilité de réalisation est suffisant pour que l’employeur remplisse ses obligations. Il n’a aucune certitude à formuler. L’emploi du pluriel ne signifie pas que l’employeur doit proposer plusieurs perspectives mais bien que dans une logique de dialogue et de vision partagée, employeur et salarié produisent chacun des propositions sur ce point.
L'évolution professionnelle
Au sens figuré, l’évolution se définit comme le développement d’une idée, d’un système, d’une science, d’un art ; en biologie, elle est l’expression d’un processus de transformation continu. Peut donc être abordée la question d’une éventuelle reconversion professionnelle ou un changement de statut (du statut de salarié à celui d’indépendant par exemple). La seule condition est que l’activité professionnelle future du salarié soit examinée sous un angle « évolutif ». Ces perspectives d’évolution professionnelle portent notamment sur les qualifications et l’emploi. Les perspectives dont l’employeur s’entretient avec le salarié concernent non seulement le futur du salarié mais aussi un futur qui lui permet d’envisager des possibilités de changement de fonctions ou de poste dans l’entreprise, voire hors de l’entreprise.
La validation des acquis de l'expérience
La validation des acquis de l’expérience est une prestation qui permet à toute personne, quels que soient son âge, sa nationalité, son niveau d’études ou son statut de faire valider les acquis de son expérience pour obtenir une certification professionnelle.
Le conseil en évolution professionnelle
L’arrêté du 29 mars 2019, qui fixe le cahier des charges relatif au conseil en évolution professionnelle, énonce que les salariés sont informés au sein de l’entreprise de la possibilité de recourir au conseil en évolution professionnelle par l’employeur, notamment à l’occasion de leur entretien professionnel.
Arrêté du 29.3.19 (JO du 30.3.19), modifié
L'activation du compte personnel de formation
L’employeur doit informer le salarié sur l’activation de son compte personnel de formation et sur tous les abondements qu’il est susceptible de financer.
Art. L6315-1 du Code du travail
Loi n° 2019-486 du 22.5.19 (JO du 23.5.19), art. 11, modifié
Sujets spécifiques à certains entretiens
Entretien à l'issue du congé parental d'éducation ou d'une période d'activité à temps partiel pour élever un enfant
Le salarié qui reprend son activité initiale à l’issue du congé parental d’éducation ou d’une période d’activité à temps partiel pour élever un enfant a droit à l’entretien professionnel. Au cours de cet entretien, l’employeur et le salarié organisent le retour à l’emploi du salarié. Ils déterminent les besoins de formation du salarié et examinent les conséquences éventuelles du congé sur sa rémunération et l’évolution de sa carrière.
Art. L1225-57 du Code du travail
Loi n° 2014-873 du 4.8.14 (JO du 5.8.14), art. 12
Entretien à l'issue de l'exercice d’un mandat syndical
Lorsque l’entretien professionnel est réalisé au terme d’un mandat de représentant du personnel titulaire ou d’un mandat syndical dans une entreprise de plus de 2000 salariés, il permet de procéder au recensement des compétences acquises au cours du mandat et de préciser les modalités de valorisation de l’expérience acquise. Pour les entreprises dont l’effectif est inférieur, ce recensement est réservé au titulaire de mandat disposant d’heures de délégation sur l’année représentant au moins 30 % de la durée de travail fixée dans son contrat de travail ou, à défaut, de la durée applicable dans l’établissement.
Art. L2141-5 du Code du travail
Ord. n° 2017-1386 du 22.9.17 (JO du 23.9.17), art. 5
Apport de la négociation collective
Certains accords dressent la liste des points devant être abordés à l’occasion de l’entretien professionnel.
Ce mode de mise en place et d’organisation de l’entretien professionnel tend à se développer car la valeur accordée à la négociation collective sur ce thème est explicitement confirmée par le législateur.
Il s’agit le plus souvent de listes non exhaustives. Ainsi, les points suivants sont abordés lors de l’entretien professionnel :
– les moyens d’accès à l’information sur les dispositifs relatifs à l’orientation et à la formation des salariés tout au long de leur vie professionnelle (industrie pharmaceutique, services de l’automobile) ;
– l’identification des objectifs de professionnalisation qui pourraient être définis au bénéfice du salarié pour lui permettre d’améliorer ses compétences ou de renforcer sa qualification (industrie pharmaceutique, services de l’automobile) ;
– l’identification du ou des dispositifs de formation auxquels il pourrait être fait appel en fonction des objectifs retenus (industrie pharmaceutique) ou en fonction des objectifs envisagés (services de l’automobile) ;
– les initiatives à prendre par le salarié pour l’utilisation de son compte personnel de formation (CPF) (services de l’automobile) ;
– les conditions de réalisation des formations envisagées (services de l’automobile) ;
– les étapes possibles d’un projet professionnel (services de l’automobile).
Accord du 4.7.19 sur la gestion des emplois et des compétences, l’évolution professionnelle des salariés tout au long de la vie professionnelle et l’information et l’orientation dans l’Industrie pharmaceutique, étendu
Arrêté d’extension du 2.4.21 (JO du 14.4.21)
Avenant n° 71 du 3.7.14 relatif aux classifications et aux qualifications professionnelles, à l’insertion et à la formation professionnelle dans les services de l’automobile, étendu
Arrêté d’extension du 5.1.15 (JO du 10.1.15)
L’accord conclu dans la branche des entreprises de travail temporaire prévoit précisément le contenu de l’entretien professionnel. L’accord liste utilement les points devant être obligatoirement abordés et ceux qui peuvent l’être de manière facultative. Points devant être abordés :
– les compétences actuelles du salarié intérimaire ;
– ses souhaits d’évolution ;
– les moyens d’accès à la formation ;
– ses souhaits d’utilisation du CPF ;
– les éventuels freins périphériques à l’emploi (notamment mobilité, logement, garde d’enfants).
Points pouvant être abordés « sans que cela soit impératif ni exhaustif », pour les salariés permanents :
– l’évolution envisageable de l’emploi occupé par le salarié à deux ans ou de sa qualification ;
– l’évolution envisageable du salarié à deux ans ;
– les compétences développées depuis deux ans ;
– les compétences à développer dans les deux ans ;
– le parcours du salarié dans l’entreprise ;
– les formations suivies et leur impact sur la situation du salarié.
Accord du 29.11.19 relatif au développement des compétences et des qualifications dans le secteur des entreprises de travail temporaire, étendu
Arrêté d’extension du 16.2.21 (JO du 9.3.21)
23-2-5 Sanction de l'absence de tenue de l'entretien professionnel
Jurisprudence
Les juges du fond rappellent, dans une série d’arrêts en 2023, la jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle le salarié s’estimant victime d’un manquement contractuel ou légal de son employeur doit apporter la preuve de la réalité et de l’étendue de son préjudice.
Cass. soc. du 13.4.16, n° 14-28.293
CA Besançon du 21.2.23, n° 21-01877
Cette jurisprudence a d’ailleurs été mise en œuvre concernant l’obligation d’adaptation pesant sur l’employeur. L’inobservation par l’employeur de son obligation de formation n’emporte pas sa condamnation automatique à verser des dommages-intérêts au salarié, qui doit justifier le préjudice qu’il estime avoir subi.
Cass. soc. du 3.5.18, n° 16-26.796
Autrement dit, l’inobservation par l’employeur de son obligation en matière d’entretien professionnel n’emporte pas sa condamnation automatique à verser des dommages-intérêts au salarié, qui doit justifier le préjudice qu’il estime avoir subi.
CA Paris du 19.4.23, n° 20-03513
A titre d’exemple, le cas du salarié qui a retrouvé immédiatement un nouvel emploi après sa prise d’acte et qui avait le statut d’auto-entrepreneur pendant son contrat ne suffit pas à justifier le préjudice subi en raison de l’absence de tenue d’entretiens professionnels.
CA Paris du 16.2.23, n°19-08982
En revanche, le fait qu’un salarié effectue par la suite une reconversion professionnelle dans le cadre d’un Fongecif (actuellement remplacé par le projet de transition professionnelle) ne constitue pas une preuve suffisante de l’absence de préjudice du salarié en termes d’employabilité.
CA Paris du 20.4.23, n°20-04743
La plupart des juridictions du fond requiert donc la démonstration par le salarié d’un préjudice en lien au manquement caractérisé de l’employeur, de la tenue des entretiens professionnels. En ce sens, la cour d’appel de Paris relève que si l’employeur n’a pas respecté son obligation au titre de l’article L6315-1 du Code du travail, le salarié qui a pu évoluer professionnellement au sein de l’entreprise, et a pu bénéficier, à sa demande lors [du seul] entretien qu’il a pu avoir, d’une formation en anglais, ne justifie d’aucun préjudice en lien ouvrant droit à réparation.
CA Paris du 5.7.23, n° 21-01575
La cour d’appel de Rouen énonce pour sa part que « l’absence d’organisation d’un entretien professionnel, telle que mise en évidence en l’espèce, ne cause pas nécessairement un préjudice au salarié. Il appartient à celui-ci, lorsqu’il en demande réparation, d’en démontrer la réalité comme l’ampleur ».
CA Rouen du 7.9.23, n° 21-02892
Bien qu’il soit établi que l’entreprise n’a pas respecté son obligation d’organiser des entretiens professionnels ce dont elle ne saurait s’exonérer en indiquant qu’elle est une petite structure de moins de 11 salariés, ayant un mode de fonctionnement familial, la salariée ne justifie pas de l’existence d’un préjudice en résultant, de sorte qu’elle ne peut être indemnisée de ce chef.
CA Nîmes du 11.6.24, n° 22-00665
Toutefois, certaines cours d’appel ont statué en sens plutôt contraire. Ainsi de la cour d’appel de Chambéry relevant que l’absence d’organisation des entretiens légalement prévus par l’article L6315-1 du Code du travail, qui auraient permis à la salariée d’obtenir des réponses quant à ses légitimes interrogations de ne pas avoir bénéficié de formation depuis onze ans, cause nécessairement un préjudice à cette dernière, qui n’a pas disposé de l’ensemble des informations lui permettant d’envisager en toute connaissance de cause son évolution professionnelle.
CA Chambéry du 26.10.23, n° 22-00303
La perte de chance est une notion inscrite dans le Code civil, dont l’article 1231-2 dispose que « les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé… »
On définit habituellement « la perte de chance » comme une probabilité assez forte qu’un évènement favorable ait été perdu, ce qui ouvre droit à réparation du préjudice qui en résulte.
Jurisprudence
L’absence d’entretiens professionnels a entraîné une perte de chance pour le salarié en le privant d’opportunités d’évolution professionnelle.
CA Caen du 16.3.23, n° 21-02702
L’absence persistante d’organisation d’entretiens professionnels a généré une perte de chance jugée certaine pour le salarié d’avoir eu une évolution professionnelle plus favorable : il lui a été octroyé des dommages et intérêts en réparation. CA Grenoble du 23.2.23, n° 21-02401
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Valérie Delabarre
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